Crédits photo © William B. Plowman / NBC
Née dans le Bronx à New-York et issue d’une famille modeste latino-américaine, Alexandria Ocasio-Cortez était serveuse avant de devenir la plus jeune élue au Congrès des États-Unis. Grâce à son engagement, sa maîtrise de l’art de la rhétorique, des réseaux sociaux et du storytelling, l’étoile montante du parti démocrate mène une politique populaire de proximité et d’empowerment, en proposant une alternative au système politique actuel victime de corruption. Ses différents échanges avec des personnalités telles que Greta Thunberg, Megan Rapinoe, Donald Trump ou Mark Zuckerberg, permettent à Alexandria Ocasio-Cortez de construire et consolider un ethos puissant et célèbre. Retour sur son parcours et sur les raisons de sa réussite.
Cap sur le congrès, le parcours atypique d’AOC
Son passé avant les élections
Alexandria Ocasio-Cortez a commencé à être serveuse dans un bar spécialisé dans les tacos et la tequila (Flats Fix, New-York) au début de la crise financière, en 2008. Son père était décédé, elle travaillait pour une association, mais cela ne suffisait pas car elle et sa famille risquaient de perdre leur maison, elle devait payer le prêt étudiant et le prêt de l’hypothèque. Dans le documentaire Cap sur le Congrès, important moyen de storytelling pour AOC, celle-ci commente : « On fait de son mieux pour survivre. Cela a été une réalité pour des millions de gens aux États-Unis ». Elle pense également que les gens ne voient pas le métier de serveuse comme un, entre guillemets, « vrai travail ». Toutefois, son expérience en hôtellerie l’a très bien préparée à cette course que sont les élections. Elle a l’habitude des reproches, des personnes qui veulent la faire se sentir mal. Elle a l’habitude d’être debout 18 heures par jour et de travailler sous pression.
Lors de la campagne électorale, son souhait, désormais exaucé, était de faire partie de ces politicien·nes capables de défendre les intérêts des États-Unien·nes. C’est son père, décédé quand elle était à la fac, qui l’a convaincue qu’elle avait un pouvoir à exercer en ce monde. Lors d’un road trip avec son paternel, celui-ci l’a amenée devant le Capitole, le lieu qui abrite la Chambre des représentant·es, et en pointant du doigt le bâtiment et ses alentours, il lui a déclaré :
La dernière chose que lui a dit son père avant de mourir est qu’il voulait qu’elle le rende fier. « Et je pense avoir finalement réussi », dit Alexandria Ocasio-Cortez en riant à la fin du documentaire Cap sur le Congrès.
Aujourd’hui, Alexandria Ocasio-Cortez incarne le rêve américain. Elle est la plus jeune élue à la Chambre des représentant·es, et ce en partie grâce à l’aide précieuse des groupes populaires Justice Democrats et Brand New Congress.
AOC, Brand New Congress et Justice Democrats contre l’establishment et pour l’empowerment
Les groupes populaires, Justice Democrats et Brand New Congress, recrutent des candidat·es pour se présenter contre les politiciens enracinés dans le système, autrement dit ils luttent contre l’establishment, c’est-à-dire l’ordre établi parfois exempté de valeurs morales. Les groupes reçoivent plus de 10 000 candidatures spontanées. Alexandria Ocasio-Cortez a été nominée par son frère. Elle n’avait jamais envisagé la politique et pensé à présenter sa candidature avant. Justice Democrats et Brand New Congress ont élu avec un suffrage de 100% la candidature d’AOC du fait notamment de son altruisme et de sa force de détermination.
Le but est donc d’élire des personnes issues de la classe ouvrière pour que les personnes issues de cette même classe sociale puissent être justement représentées au Congrès. C’est ce que suppose l’idée d’empowerment ; celle-ci implique l’émancipation des individus par la prise de pouvoir et par l’initiative d’actions. Cela permettrait un effet boule de neige, qui changerait la manière dont on perçoit le gouvernement et la politique dans le pays que sont les États-Unis, afin de combler le fossé en matière de compréhension mutuelle et de communication au sein de la nation états-unienne.
Traduction : « Je me présente aux élections parce que les Américain·es de tous les jours mérite d’être représenté·es par des Américain·es de tous les jours ». Brand New Congress et Justice Democrats a su recruter un nouveau visage sur la scène politique que les politiciens établis n’ont pas vu venir et sur qui ils n’ont pas pu faire pression avec un emploi ou autre. Les groupes populaires ont choisi une personne qui représente sa communauté à bien des égards, une candidate figure de l’intersectionnalité, insurgée, près du peuple, une femme de couleur originaire du Bronx (elle y vit depuis trois générations), une latina, boricua (personne originaire de Porto Rico), descendante des Indiens Tainos, descendante des esclaves africains ; voilà tout un répertoire de qualifications qu’elle emploie pour se définir elle-même, pour affirmer son identité aux multiples facettes. Ainsi, Alexandria Ocasio-Cortez a été candidate pour le Bronx et le Queens en menant une campagne populaire d’arrache-pied.
Face à ces riches hommes blancs en costard, la volonté affirmée est de dessiner un nouveau paysage politique, de faire mieux que le pouvoir en place, et de construire une machine de financements populaires qui se démarquera des pouvoirs institutionnels établis et qui redonnera réellement le pouvoir au peuple pour qu’il le garde pour de bon. En effet, conformément à la Constitution, les élu·es ont ce devoir de représentations de la communauté et de défense des intérêts de cette même communauté : le collectif doit passer avant l’individualité de l’homme ou de la femme politique.
Joseph Crowley, l’adversaire démocrate millionnaire
En 2018, un nombre record de femmes, de personnes de couleur et des outsiders (des personnes à l’origine non professionnelles de la politique) entreprend de transformer le Congrès. De nombreux élus démocrates affrontent le défi des primaires lancé par d’autres démocrates qui candidatent pour la première fois.
À l’époque candidate dans la 14ème circonscription de New-York, lors du tournage du documentaire Cap sur le Congrès, elle précise avec humour : « Si j’étais une personne normale et rationnelle, j’aurais laissé tomber cette course depuis longtemps ». Ces paroles se justifient du fait des personnes contre qui elle s’oppose et qui sont prêtes à tout pour détruire les outsiders, ces novices en politique, parce qu’elles sont adeptes de la fameuse formule communément attribuée à Machiavel : « la fin justifie les moyens » – le machiavélisme désignant une conception de la politique qui prône la conquête et la conservation du pouvoir par tous les moyens.
Pour se présenter à la primaire des élections de mi-mandat, il faut minimum 1250 signatures, mais AOC stipule :
Surnommé « the boss », président du parti démocrate du Queens, chef de circonscription, quatrième démocrate le plus puissant du Congrès qui a nommé tous les juges fédéraux pendant ses mandats, Joseph Crowley n’avait pas eu d’adversaire aux primaires depuis 14 ans avant l’arrivée de Alexandria Ocasio-Cortez. Qu’est-ce qu’il faut savoir au sujet de Joseph Crowley ? Réponse issue du documentaire Cap sur le Congrès ci-dessous.
Tous ces points mentionnés ont permis à Alexandria Ocasio-Cortez d’installer progressivement ses idées et sa légitimité afin de gagner les primaires démocrates puis les élections face au républicain Anthony Pappas. Généralement, précise Alexandria Ocasio-Cortez dans le documentaire Cap sur le congrès, la personne remportant la primaire démocrate dans la 14ème circonscription de New-York gagne aussi les élections finales et donc le siège à la Chambre des représentant·es. C’est chose faite !
AOC élue à la Chambre des représentant·es, en bref
2018, États-Unis, d’après Le Monde, les femmes n’ont jamais été aussi nombreuses à se présenter aux élections de mi-mandat. Elles ont représenté 28% des candidat·es. Alexandria Ocasio-Cortez était l’une d’entre elles. Elle est désormais la plus jeune membre du Congrès américain. Rappelons rapidement le fonctionnement du Congrès, des élections de mi-mandat et les enjeux qui se jouent à la Chambre des représentant·es.
La Chambre des représentant·es est l’une des deux chambres du Congrès américain, la deuxième étant le Sénat, et elle est une partie de la branche législative du gouvernement fédéral. Conformément à la Constitution, la Chambre des représentant·es des États-Unis est chargée de légiférer et voter les lois fédérales. Le nombre d’élu·es à la Chambre est fixé par la loi à pas plus de 435, représentant proportionnellement la population de 50 états. Ainsi, face à plus de 400 personnes, il est nécessaire de mettre en pratique des compétences en termes d’expression orale pour faire entendre sa voix.
L’éloquence d’AOC en 10 points et quelques notions
La rhétorique en théorie […]
Voici 5 notions clefs permettant un rapide tour d’horizon de l’art de la rhétorique.
[…] et en pratique
La question à laquelle les 10 points relevés ci-dessous vont tenter de répondre est la suivante : Comment Alexandria Ocasio-Cortez s’exprime dans l’arène politique ?
L’engagement, AOC, Greta Thunberg & Megan Rapinoe
Pour faire de la politique, il est nécessaire de bien s’entourer afin de mettre en œuvre une forme de transfert de légitimité. Au vu des personnes ci-après, AOC sait choisir ses allié·es, tout autant que ses adversaires par ailleurs.
Greta Thunberg, figure du jeune militantisme écologiste
Alexandria Ocasio-Cortez est en accord avec les revendications de Greta Thunberg. Pour elles, la solution à la crise écologique dans laquelle nous sommes réside dans l’action par le collectif, en créant une communauté mondiale sensible et consciente. Tout comme Greta Thunberg, AOC propose des décisions concrètes :
Alexandria Ocasio-Cortez s’entoure donc de figures de proue et ce dans des domaines divers et variés.
Megan Rapinoe, championne du monde 2019, icône lesbienne et féministe
Alors qu’en tant que capitaine de l’équipe de football des États-Unis, Megan Rapinoe avait annoncé son refus, en cas de victoire, de se rendre à la Maison blanche pour rencontrer son tristement célèbre locataire, elle accepte sans réfléchir à deux fois l’invitation d’Alexandria Ocasio-Cortez à la Chambre des représentant·es.
Il s’est avéré qu’en plus d’être liées par un même principe, celui de l’engagement, Megan Rapinoe, Greta Thunberg et Alexandria Ocasio-Cortez ont un ennemi commun : l’occupant du Bureau oval, qu’on ne présente plus.
AOC face à l’adversité
Donald Trump, Président des États-Unis
Trump débite son verbiage sur Twitter, comme à son habitude, et il prend fréquemment pour cible l’élue latino-américaine Ocasio-Cortez…
Alexandria Ocasio-Cortez ne se prive pas de lui répondre par apparition télévisée ou directement sur les réseaux sociaux :
Afin de faire écho à la question d’AOC dans son post Instagram (« Ils ne savent vraiment pas quelle circonscription je répresente, si ? »), voici la zone du 14ème district new-yorkais dont elle est en charge :
On reste dans l’atmosphère des réseaux sociaux avec un second interlocuteur d’AOC qui n’est autre qu’un chef d’entreprise à envergure mondiale.
Mark Zuckerberg, PDF de Facebook, cité à comparaître à la Chambre des représentant·es
En octobre 2019, celui-ci est interrogé par Alexandria Ocasio-Cortez au sujet des publicités politiques ciblées (qui ont notamment fait ravage lors des élections présidentielles 2016) au cours de son audition sous serment au Congrès états-unien.
Ses multiples prises de parole et son engagement ont amené Alexandria Ocasio-Cortez dans un processus de starification qui a fait d’elle une politicienne reconnue fiable et digne de confiance à l’échelle internationale.
La réappropriation de l’image d’AOC, signe de notoriété politique internationale
Sa renommée est désormais confortablement installée. La preuve en images.
Italie | AOC dans la campagne choc de AleXsandro Palombo
Pour son œuvre visible dans les rues de Milan, un artiste italien, AleXsandro Palombo, aussi connu pour sa campagne concernant la journée internationale de lutte contre le cancer (voir ci-après), l’a même choisi parce qu’elle est l’une des figures politiques les plus importantes de notre monde contemporain. L’objectif de son art social ? Sensibiliser, faire prendre conscience, faire réagir, encourager à briser le silence, lutter contre les violences faites aux femmes en impliquant des personnes engagées, qui peuvent user de leur pouvoir pour changer un système de discriminations systémiques et qui peuvent militer pour l’égalité des genres. A l’instar d’Alexandria Ocasio-Cortez.
France | La campagne « Écoutez le monde changer » d’Europe 1
Le 29 octobre 2019, Europe 1 lance une campagne d’affichage en collaboration avec l’agence Romance. Europe 1 qualifie cette campagne de « nouvelle signature » afin d’affirmer la singularité de la radio qui marque les esprits en décryptant les transformations de la planète et de la société. On peut y voir Greta Thunberg, Boris Johnson, Emmanuel Macron, Angela Merkel, Donald Trump, Bilal Hassani ou encore des images en lien avec la crise écologique que nous traversons.
Le 3 février 2020, Europe 1 lance le deuxième opus de la campagne Écoutez le monde changer. En son sein et au côté de Meghan Markle, du Prince Harry et de l’alarmant incendie en Australie, se trouve Alexandria Ocasio-Cortez.
De cette manière, Alexandria Ocasio-Cortez s’impose comme une figure majeure participant aux changements qui touchent le monde politique. Ces reprises des représentations de la politicienne développent son image de marque et ainsi son ethos, qui pourraient peut-être l’amener jusqu’à la Maison blanche ?
N.B. : Alexandria Ocasio-Cortez, née le 13 octobre 1989, a aujourd’hui 30 ans, et pour candidater à la Présidence des États-Unis, il faut avoir minimum 35 ans. Encore quelques années à attendre donc…
Aurélie Lopez
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