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Femmes politiques

Marielle Franco : une lutte pour de nouvelles voix

« La révolution dont le monde contemporain a besoin »

Les feux des projecteurs mondiaux sont braqués sur les strong leaders masculins : tous les jours on nous abreuve de récits au sujet de Donald Trump, de Vladimir Poutine, en passant par Recep Tayyip Erdogan et Xi Jinping. Pourtant, dans l’ombre de ces histoires, d’autres visages se dressent. Elles posent, pierre après pierre, les bases d’une nouvelle société. Contre le rétropédalage du Brésil en termes d’égalité des droits et des chances, des femmes se battent. Des femmes incarnant les combats politiques qu’elles ont endossé. Cet article propose de déplacer le regard vers de nouveaux récits.

On aurait tort de dire que le climat de discrimination envers les personnes minorisées est uniquement le fait du gouvernement Bolsonaro. Il est vrai que la prise de pouvoir le 1er janvier 2019 d’un président ouvertement sexiste, raciste et homophobe n’a fait que le renforcer. Cependant, l’élection de Jair Bolsonaro à la tête du Brésil est en elle-même significative d’une ambiance déjà nocive pour, entre autres, les personnes noires, les personnes LGBTQIA+ et les femmes.

C’est pourtant dans un tel contexte que Marielle Franco, aujourd’hui mondialement connue, a revendiqué son identité à l’intersection de discriminations. Femme politique, elle a représenté un espoir pour les droits humains dans sa ville comme dans son pays. Aujourd’hui, elle est devenue un modèle d’engagement du féminisme noir. Retour sur une personnalité forte issue de la favela et le revendiquant.


Point sur le système politique brésilien

Bordé de vert à l’ouest et de bleu à l’est, le Brésil, pays-continent, est souvent vu par les allochtones comme une unité. Pourtant, il s’agit d’une République Fédérale regroupant 26 Etats Fédérés en plus du district fédéral de Brasília, la capitale. Chaque Etat possède son propre gouvernement, lequel bénéficie d’un pouvoir décisionnaire spécifique. Les Etats Fédérés sont eux-mêmes fragmentés en municipalités qui, elles aussi, sont garanties d’un pouvoir local par la Constitution adoptée en 1988.

Le système politique Brésilien est donc une hiérarchie verticale tripartite. Il est constitué du niveau fédéral, du niveau étatique et du niveau municipal. Chacun de ces niveaux institutionnels se voit accorder des domaines d’action spécifiques. Les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont incarnés dans chacun de ces niveaux de la façon suivante :


Résolument de gauche

Marielle Franco par Midia Ninja

Femme, noire, lesbienne, favelada, résolument engagée à gauche, féministe, partisane des droits humains et des droits LGBTQIA+, Marielle Franco incarnait la possibilité d’une autre Rio de Janeiro. D’un autre Brésil, même, car le pays venait de voir la destitution de sa présidente, Dilma Roussef, et la prise de pouvoir de Michel Temer qui durcissait de plus en plus les mesures sécuritaires et autoritaires. En tant qu’élue, sa pensée anti-élitiste mettait en avant le droit à se former pour les habitant.es des favelas, en particulier des femmes noires, qui sont les plus vulnérables car au croisement des discriminations racistes et sexistes.

Marielle Franco a été conseillère municipale d’octobre 2016 à mars 2018 pour la ville de Rio de Janeiro, seconde plus grande ville du Brésil. Elle a été élue pour la coalition « Changer est possible », alliance entre le PSOL (Parti Socialisme et Liberté) et le Parti Communiste brésilien. Elle incarnait, lors de sa campagne et par la suite, la politique proche du peuple, mettant en avant ses origines faveladas.

Vidéo de campagne électorale de Marielle Franco.

Au cours de sa – trop brève – carrière, Marielle Franco aura soumis de nombreuses mesures au regard de ses homologues. Devenue Présidente de la Commission de Défense de la Femme, elle présenté des propositions de lois telles que l’ouverture de crèches de nuit et la garantie de l’accès à l’avortement. Elle aura également lutté pour que les voix des femmes noires des favelas et des périphéries (c’est à dire pas les cariocas, qui vivent à « l’intérieur » de Rio de Janeiro, mais celles des banlieues attenantes) soient entendues. Venant elle aussi des classes pauvres, elle se sert de son expérience personnelle pour construire un ethos capable de concentrer les aspirations de ces femmes et de porter un discours qui les valorise.

Tout en supportant le poids de l’organisation sociale inégalitaire du Brésil, elles sont aussi celles qui produisent les moyens de sa transformation, étendant la mobilité dans toutes les dimensions. En ce sens, ce sont elles qui seront le plus fortement pénalisées dans la conjoncture actuelle, tout en étant à une position centrale pour résister.

Marielle Franco

Pointant du doigt le fait que les classes sociales les plus défavorisées devenaient de plus en plus méfiantes à l’égard de la politique, qu’elles se sentaient de jour en jour davantage exclues des prises de décisions, la Conseillère Municipale soulignait au contraire leur importance. Une importance démographique, dans le sens où les personnes discriminées car femmes, noires ou métisses, représentent non pas une minorité mais une majorité minorisée. Une importance dans le potentiel renouveau du pays, car ces femmes faveladas, dans leur lutte pour l’accès à l’éducation, à la santé, à la sécurité, à la culture, faisaient preuve de créativité et d’entraide, contribuant ainsi à forger une nouvelle ville.

Marielle Franco insiste sur la nécessité d’admettre l’intelligence, les idées, les réussites de ces femmes. Au contraire du pouvoir en place et des médias qui les dénigrent et les ostracisent, elle fait de la reconnaissance de leur valeur en tant que personnes, possédant les mêmes droits que n’importe qui, un devoir de la gauche brésilienne.

[…] il est vital d’occuper les espaces de pouvoir, en particulier les institutions, en participant aux élections et en contestant la méritocratie autoritaire pour casser autant que possible le contingent de mâles blancs qui dominent ces lieux. Les stéréotypes associés au fait d’être une femme, et les attentes sur comment nous devons nous conduire, sont les facettes d’un discours institutionnel hégémonique qui demeure profondément conservateur.

Marielle Franco

L’icône assassinée

L’assassinat de Marielle Franco et celui de Anderson Pedro Gomes, son chauffeur, le 14 mars 2018, est autant lié à ses positions politiques qu’à son opposition au pouvoir des milices (des cartels de drogues) locales.

Le Conseil Municipal de Rio de Janeiro est extrêmement corrompu car il entretient d’étroites relations avec le crime organisé brésilien. C’est de plus un milieu très machiste, sexiste, or Marielle Franco contestait la corruption et les discriminations sexistes. Par le simple fait d’exister en tant que Conseillère, Marielle Franco représentait une menace à l’ordre établi dans cette municipalité et, par extension, dans ce pays aux infrastructures légales avilies.

Les meurtres ont été exécutés par deux anciens policiers devenus tueurs à gages, mais on ne connaît toujours pas l’identité des commanditaires. Le fait que ce crime n’ait toujours pas été élucidé est révélateur d’une société qui, en partie au moins, se refuse à changer : elle fait donc tomber les icônes de ce pouvoir nouveau et contestataire. La nature du crime (commis en public et en plein jour) convoie un message aussi clair que macabre : les femmes, les noires, les lesbiennes, les faveladas, autant d’êtres tuables, n’ont pas leur place dans les sphères du pouvoir.

Marielle : vivante

Son assassinat montre malheureusement bien l’importance que revêtait Marielle Franco dans son combat. L’héritage de sa philosophie est bien vivant, pourtant, deux ans plus tard. La Conseillère Municipale est devenue un symbole de la lutte pour les droits humains et l’égalité. Toutefois, plutôt que de la voir en martyr de sa cause tuée par l’autoritarisme d’un pouvoir se voulant exclusivement masculin, blanc et riche, il apparaît plus juste de considérer Marielle Franco comme une visionnaire, une inspiration.

Sensible autant au macro qu’au micro, à la situation mondiale autant qu’à celle de sa municipalité, elle aura alerté sur la remontée des mentalités conservatrices dans les plus hautes sphères du pouvoir :

Ce mouvement réactionnaire en est au début de sa dynamique, comme le suggèrent les résultats aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Sur la scène internationale, les guerres et les persécutions sont des formes de contrôle, chacune pire que la précédente, imposées aux corps exclus de « l’autre ». […]

Dans cette conjoncture, qui favorise le bonapartisme et l’expansion de l’autoritarisme conservateur, la première réponse doit être d’aller de l’avant par des actions immédiates et fortes, de construire le soutien aux campagnes qui réagissent aux événements […]

Ensuite, de défendre les vies contre la violence meurtrière et lutter pour la dignité humaine. Troisièmement, de développer des politiques qui sapent les stratégies du capital au Brésil. Quatrièmement, de renforcer le récit de la coexistence dans des villes comme Rio, pour influencer l’imagination publique en faveur d’un désir de vaincre les inégalités.

Enfin, positionner dans tout le Brésil ceux des marges et des favelas comme acteurs centraux. Bâtir des structures qui aident à l’empowerment des femmes noires pauvres pour leur assurer un rôle de citoyenneté active, et gagner une ville de droits : c’est fondamental pour la révolution dont le monde contemporain a besoin.

Marielle Franco
Marielle Franco lors de sa campagne à La Maré
(image de campagne pour les élections Municipales)

Marielle presente ! Marielle vive ! Autant de slogans qui témoignent du refus de laisser la mémoire et la lutte de Marielle Franco s’éteindre avec elle, qui croyait si fort en la force des personnes minorisées. Elle aura appelé à prendre des mesures sociales et humanistes, à mettre en avant d’autres histoires et d’autres modèles, car les changements passent d’abord par l’imaginaire du changement. Si l’on ne peut pas penser qu’un autre monde est possible, comment cet autre monde pourrait-il voir le jour ?


Haneul Lavou

D’après : Marielle Franco, Mobiliser la créativité politique des favelas brésiliennes, texte intégral traduit par Isabelle Saint-Saëns, revue Vacarme, 2018/3 (n°84) pp. 121-126.

Photographie de couverture : Femmes protestant suite à l’assassinat de Marielle Franco, 15 mars 2018, Ian Cheibub

Sources complémentaires :

Femmes politiques

Alexandria Ocasio-Cortez, ou l’art de faire de la politique

Crédits photo © William B. Plowman / NBC

Née dans le Bronx à New-York et issue d’une famille modeste latino-américaine, Alexandria Ocasio-Cortez était serveuse avant de devenir la plus jeune élue au Congrès des États-Unis. Grâce à son engagement, sa maîtrise de l’art de la rhétorique, des réseaux sociaux et du storytelling, l’étoile montante du parti démocrate mène une politique populaire de proximité et d’empowerment, en proposant une alternative au système politique actuel victime de corruption. Ses différents échanges avec des personnalités telles que Greta Thunberg, Megan Rapinoe, Donald Trump ou Mark Zuckerberg, permettent à Alexandria Ocasio-Cortez de construire et consolider un ethos puissant et célèbre. Retour sur son parcours et sur les raisons de sa réussite.

Cap sur le congrès, le parcours atypique d’AOC

Son passé avant les élections

Alexandria Ocasio-Cortez a commencé à être serveuse dans un bar spécialisé dans les tacos et la tequila (Flats Fix, New-York) au début de la crise financière, en 2008. Son père était décédé, elle travaillait pour une association, mais cela ne suffisait pas car elle et sa famille risquaient de perdre leur maison, elle devait payer le prêt étudiant et le prêt de l’hypothèque. Dans le documentaire Cap sur le Congrès, important moyen de storytelling pour AOC, celle-ci commente : « On fait de son mieux pour survivre. Cela a été une réalité pour des millions de gens aux États-Unis ». Elle pense également que les gens ne voient pas le métier de serveuse comme un, entre guillemets, « vrai travail ». Toutefois, son expérience en hôtellerie l’a très bien préparée à cette course que sont les élections. Elle a l’habitude des reproches, des personnes qui veulent la faire se sentir mal. Elle a l’habitude d’être debout 18 heures par jour et de travailler sous pression.

On nous appelle « la classe ouvrière » pour une raison, car on travaille non-stop. Les Américain·es ne demandent pas la Lune, ils demandent juste de pouvoir joindre les deux bouts et ils demandent juste aux politicien·nes d’être assez courageux·euses pour les aider à obtenir ça.

Alexandria Ocasio-Cortez dans Cap sur le Congrès

Lors de la campagne électorale, son souhait, désormais exaucé, était de faire partie de ces politicien·nes capables de défendre les intérêts des États-Unien·nes. C’est son père, décédé quand elle était à la fac, qui l’a convaincue qu’elle avait un pouvoir à exercer en ce monde. Lors d’un road trip avec son paternel, celui-ci l’a amenée devant le Capitole, le lieu qui abrite la Chambre des représentant·es, et en pointant du doigt le bâtiment et ses alentours, il lui a déclaré :

Tu sais, tout ceci nous appartient. C’est notre gouvernement. C’est à nous. Donc tout ceci t’appartient.

Sergio Ocasio, père d’Alexandria Ocasio-Cortez cité par celle-ci dans Cap sur le Congrès
Capitole, Washington D.C. © Cap sur le Congrès

La dernière chose que lui a dit son père avant de mourir est qu’il voulait qu’elle le rende fier. « Et je pense avoir finalement réussi », dit Alexandria Ocasio-Cortez en riant à la fin du documentaire Cap sur le Congrès.

Aujourd’hui, Alexandria Ocasio-Cortez incarne le rêve américain. Elle est la plus jeune élue à la Chambre des représentant·es, et ce en partie grâce à l’aide précieuse des groupes populaires Justice Democrats et Brand New Congress.

AOC, Brand New Congress et Justice Democrats contre l’establishment et pour l’empowerment

Les groupes populaires, Justice Democrats et Brand New Congress, recrutent des candidat·es pour se présenter contre les politiciens enracinés dans le système, autrement dit ils luttent contre l’establishment, c’est-à-dire l’ordre établi parfois exempté de valeurs morales. Les groupes reçoivent plus de 10 000 candidatures spontanées. Alexandria Ocasio-Cortez a été nominée par son frère. Elle n’avait jamais envisagé la politique et pensé à présenter sa candidature avant. Justice Democrats et Brand New Congress ont élu avec un suffrage de 100% la candidature d’AOC du fait notamment de son altruisme et de sa force de détermination.

Brand New Congress et Justice Democrats ont l’objectif commun et majeur d’éradiquer la politique corrompue par l’argent. L’idée est de proposer une voie alternative pour accéder au Congrès, autre que la voie actuelle. Pour l’instant, on accède au Congrès grâce aux lobbies et groupes d’intérêt. Il y a actuellement 81% d’hommes au Congrès. La plupart d’entre eux sont blancs, millionnaires, avocats.

CORBIN TRENT – JUSTICE DEMOCRATS [CAP SUR LE CONGRÈS]

Le but est donc d’élire des personnes issues de la classe ouvrière pour que les personnes issues de cette même classe sociale puissent être justement représentées au Congrès. C’est ce que suppose l’idée d’empowerment ; celle-ci implique l’émancipation des individus par la prise de pouvoir et par l’initiative d’actions. Cela permettrait un effet boule de neige, qui changerait la manière dont on perçoit le gouvernement et la politique dans le pays que sont les États-Unis, afin de combler le fossé en matière de compréhension mutuelle et de communication au sein de la nation états-unienne.

I’m running because everyday Americans deserve to be represented by everyday Americans.

AOC à Washington, D.C. – colloque du Brand New Congress (2018) [Cap sur le Congrès]

Traduction : « Je me présente aux élections parce que les Américain·es de tous les jours mérite d’être représenté·es par des Américain·es de tous les jours ». Brand New Congress et Justice Democrats a su recruter un nouveau visage sur la scène politique que les politiciens établis n’ont pas vu venir et sur qui ils n’ont pas pu faire pression avec un emploi ou autre. Les groupes populaires ont choisi une personne qui représente sa communauté à bien des égards, une candidate figure de l’intersectionnalité, insurgée, près du peuple, une femme de couleur originaire du Bronx (elle y vit depuis trois générations), une latina, boricua (personne originaire de Porto Rico), descendante des Indiens Tainos, descendante des esclaves africains ; voilà tout un répertoire de qualifications qu’elle emploie pour se définir elle-même, pour affirmer son identité aux multiples facettes. Ainsi, Alexandria Ocasio-Cortez a été candidate pour le Bronx et le Queens en menant une campagne populaire d’arrache-pied.

On travaille plus parce qu’on est des femmes. On n’est pas des riches blancs en costard.

PAULA JEAN SWEARENGIN, CANDIDATE EN VIRGINIE-OCCIDENTALE À LA PRIMAIRE DES ÉLECTIONS DE MI-MANDAT DE 2018, en s’adressant à AOC [CAP SUR LE CONGRÈS]

Face à ces riches hommes blancs en costard, la volonté affirmée est de dessiner un nouveau paysage politique, de faire mieux que le pouvoir en place, et de construire une machine de financements populaires qui se démarquera des pouvoirs institutionnels établis et qui redonnera réellement le pouvoir au peuple pour qu’il le garde pour de bon. En effet, conformément à la Constitution, les élu·es ont ce devoir de représentations de la communauté et de défense des intérêts de cette même communauté : le collectif doit passer avant l’individualité de l’homme ou de la femme politique.

Il ne s’agit pas de m’élire moi au Congrès, il s’agit de NOUS élire au Congrès.

AOC dans Cap sur le Congrès
Constitution des États-Unis © House of Representatives

Joseph Crowley, l’adversaire démocrate millionnaire

En 2018, un nombre record de femmes, de personnes de couleur et des outsiders (des personnes à l’origine non professionnelles de la politique) entreprend de transformer le Congrès. De nombreux élus démocrates affrontent le défi des primaires lancé par d’autres démocrates qui candidatent pour la première fois.

À l’époque candidate dans la 14ème circonscription de New-York, lors du tournage du documentaire Cap sur le Congrès, elle précise avec humour : « Si j’étais une personne normale et rationnelle, j’aurais laissé tomber cette course depuis longtemps ». Ces paroles se justifient du fait des personnes contre qui elle s’oppose et qui sont prêtes à tout pour détruire les outsiders, ces novices en politique, parce qu’elles sont adeptes de la fameuse formule communément attribuée à Machiavel : « la fin justifie les moyens » – le machiavélisme désignant une conception de la politique qui prône la conquête et la conservation du pouvoir par tous les moyens.

Pour se présenter à la primaire des élections de mi-mandat, il faut minimum 1250 signatures, mais AOC stipule :

Parce qu’on affronte « le patron », on doit rassembler 10 000 signatures.

AOC dans Cap sur le Congrès

Surnommé « the boss », président du parti démocrate du Queens, chef de circonscription, quatrième démocrate le plus puissant du Congrès qui a nommé tous les juges fédéraux pendant ses mandats, Joseph Crowley n’avait pas eu d’adversaire aux primaires depuis 14 ans avant l’arrivée de Alexandria Ocasio-Cortez. Qu’est-ce qu’il faut savoir au sujet de Joseph Crowley ? Réponse issue du documentaire Cap sur le Congrès ci-dessous.

Tous ces points mentionnés ont permis à Alexandria Ocasio-Cortez d’installer progressivement ses idées et sa légitimité afin de gagner les primaires démocrates puis les élections face au républicain Anthony Pappas. Généralement, précise Alexandria Ocasio-Cortez dans le documentaire Cap sur le congrès, la personne remportant la primaire démocrate dans la 14ème circonscription de New-York gagne aussi les élections finales et donc le siège à la Chambre des représentant·es. C’est chose faite !

AOC élue à la Chambre des représentant·es, en bref

Blason de la Chambre des représentant·es

2018, États-Unis, d’après Le Monde, les femmes n’ont jamais été aussi nombreuses à se présenter aux élections de mi-mandat. Elles ont représenté 28% des candidat·es. Alexandria Ocasio-Cortez était l’une d’entre elles. Elle est désormais la plus jeune membre du Congrès américain. Rappelons rapidement le fonctionnement du Congrès, des élections de mi-mandat et les enjeux qui se jouent à la Chambre des représentant·es.

La Chambre des représentant·es est l’une des deux chambres du Congrès américain, la deuxième étant le Sénat, et elle est une partie de la branche législative du gouvernement fédéral. Conformément à la Constitution, la Chambre des représentant·es des États-Unis est chargée de légiférer et voter les lois fédérales. Le nombre d’élu·es à la Chambre est fixé par la loi à pas plus de 435, représentant proportionnellement la population de 50 états. Ainsi, face à plus de 400 personnes, il est nécessaire de mettre en pratique des compétences en termes d’expression orale pour faire entendre sa voix.

La Chambre des représentant·es © House of Representatives

L’éloquence d’AOC en 10 points et quelques notions

La rhétorique en théorie […]

Voici 5 notions clefs permettant un rapide tour d’horizon de l’art de la rhétorique.

[…] et en pratique

La question à laquelle les 10 points relevés ci-dessous vont tenter de répondre est la suivante : Comment Alexandria Ocasio-Cortez s’exprime dans l’arène politique ? 

L’engagement, AOC, Greta Thunberg & Megan Rapinoe

Pour faire de la politique, il est nécessaire de bien s’entourer afin de mettre en œuvre une forme de transfert de légitimité. Au vu des personnes ci-après, AOC sait choisir ses allié·es, tout autant que ses adversaires par ailleurs.

Greta Thunberg, figure du jeune militantisme écologiste

Alexandria Ocasio-Cortez est en accord avec les revendications de Greta Thunberg. Pour elles, la solution à la crise écologique dans laquelle nous sommes réside dans l’action par le collectif, en créant une communauté mondiale sensible et consciente. Tout comme Greta Thunberg, AOC propose des décisions concrètes :

Pour résoudre la crise climatique, j’encourage tous les dirigeant·es de la planète à changer leur point de vue et à mettre la pression sur les grandes entreprises productrices d’énergie fossile et d’émissions de gaz à effet de serre.

Interview d’AOC pour Brut [16/10/2019], au C40 Cities World Mayors Summit 2019, à Copenhague (Danemark)

Alexandria Ocasio-Cortez s’entoure donc de figures de proue et ce dans des domaines divers et variés.

Megan Rapinoe, championne du monde 2019, icône lesbienne et féministe

Alors qu’en tant que capitaine de l’équipe de football des États-Unis, Megan Rapinoe avait annoncé son refus, en cas de victoire, de se rendre à la Maison blanche pour rencontrer son tristement célèbre locataire, elle accepte sans réfléchir à deux fois l’invitation d’Alexandria Ocasio-Cortez à la Chambre des représentant·es.

Il s’est avéré qu’en plus d’être liées par un même principe, celui de l’engagement, Megan Rapinoe, Greta Thunberg et Alexandria Ocasio-Cortez ont un ennemi commun : l’occupant du Bureau oval, qu’on ne présente plus.

AOC face à l’adversité

Donald Trump, Président des États-Unis

Trump débite son verbiage sur Twitter, comme à son habitude, et il prend fréquemment pour cible l’élue latino-américaine Ocasio-Cortez…

Alexandria Ocasio-Cortez ne se prive pas de lui répondre par apparition télévisée ou directement sur les réseaux sociaux :

Afin de faire écho à la question d’AOC dans son post Instagram (« Ils ne savent vraiment pas quelle circonscription je répresente, si ? »), voici la zone du 14ème district new-yorkais dont elle est en charge :

On reste dans l’atmosphère des réseaux sociaux avec un second interlocuteur d’AOC qui n’est autre qu’un chef d’entreprise à envergure mondiale.

Mark Zuckerberg, PDF de Facebook, cité à comparaître à la Chambre des représentant·es

En octobre 2019, celui-ci est interrogé par Alexandria Ocasio-Cortez au sujet des publicités politiques ciblées (qui ont notamment fait ravage lors des élections présidentielles 2016) au cours de son audition sous serment au Congrès états-unien.

BFM TV | Mark Zuckerberg bousculé par Alexandria Ocasio-Cortez [23/10/2019]

Ses multiples prises de parole et son engagement ont amené Alexandria Ocasio-Cortez dans un processus de starification qui a fait d’elle une politicienne reconnue fiable et digne de confiance à l’échelle internationale.

La réappropriation de l’image d’AOC, signe de notoriété politique internationale

Sa renommée est désormais confortablement installée. La preuve en images.

Italie | AOC dans la campagne choc de AleXsandro Palombo

Pour son œuvre visible dans les rues de Milan, un artiste italien, AleXsandro Palombo, aussi connu pour sa campagne concernant la journée internationale de lutte contre le cancer (voir ci-après), l’a même choisi parce qu’elle est l’une des figures politiques les plus importantes de notre monde contemporain. L’objectif de son art social ? Sensibiliser, faire prendre conscience, faire réagir, encourager à briser le silence, lutter contre les violences faites aux femmes en impliquant des personnes engagées, qui peuvent user de leur pouvoir pour changer un système de discriminations systémiques et qui peuvent militer pour l’égalité des genres. A l’instar d’Alexandria Ocasio-Cortez.

France | La campagne « Écoutez le monde changer » d’Europe 1

Le 29 octobre 2019, Europe 1 lance une campagne d’affichage en collaboration avec l’agence Romance. Europe 1 qualifie cette campagne de « nouvelle signature » afin d’affirmer la singularité de la radio qui marque les esprits en décryptant les transformations de la planète et de la société. On peut y voir Greta Thunberg, Boris Johnson, Emmanuel Macron, Angela Merkel, Donald Trump, Bilal Hassani ou encore des images en lien avec la crise écologique que nous traversons.

ÉCOUTEZ LE MONDE CHANGER © Europe 1

Le 3 février 2020, Europe 1 lance le deuxième opus de la campagne Écoutez le monde changer. En son sein et au côté de Meghan Markle, du Prince Harry et de l’alarmant incendie en Australie, se trouve Alexandria Ocasio-Cortez.

Visuel diffusé à partir du 3 février 2020

De cette manière, Alexandria Ocasio-Cortez s’impose comme une figure majeure participant aux changements qui touchent le monde politique. Ces reprises des représentations de la politicienne développent son image de marque et ainsi son ethos, qui pourraient peut-être l’amener jusqu’à la Maison blanche ?

N.B. : Alexandria Ocasio-Cortez, née le 13 octobre 1989, a aujourd’hui 30 ans, et pour candidater à la Présidence des États-Unis, il faut avoir minimum 35 ans. Encore quelques années à attendre donc…


Aurélie Lopez