TOU’WIN Rugby Club, une mêlée pour faire bouger les préjugés

Depuis le début des années 2000, un certain nombre de clubs de rugby se revendiquant « gay-friendly » ont vu le jour. Ils luttent pour l’intégration d’homosexuels dans le domaine sportif amateur comme professionnel, au travers de diverses actions afin de faire comprendre que l’orientation sexuelle n’est pas un critère de sélection ou de performance.

Ouvert à tous sans conditions

C’est le cas de l’association Tou’Win née en avril 2006 à l’initiative d’une poignée de gays toulousains passionnés de rugby. Elle comptabilise aujourd’hui une cinquantaine de membres, dont une trentaine de joueurs de rugby à XV, homos et hétéros. Fort d’une cohésion à l’épreuve des préjugés, le club enchaîne les interventions auprès d’autres structures et lors de ses multiples rencontres pour défendre les valeurs qui unissent ses adhérents : Respect, Dignité et Humanisme.

L’idée au départ, c’était de créer un club dans lequel les homosexuels étaient sûrs de ne pas subir de discriminations, d’injures ou de préjugés dans le vestiaire. Certains joueurs ont 20 ans de rugby derrière eux, d’autres débutent. On ne demande pas l’orientation sexuelle des nouveaux inscrits, mais on demande à chacun de s’engager contre l’homophobie.

Cyril Broccardo, président de l’association Tou’Win
TOU’WIN sort son calendrier / Photo Alexis Brivall

Cette équipe, s’entraînant initialement seule, est aujourd’hui accueillie par le TAC (Toulouse Athlétique Club Lafourguette) pour partager le terrain et organiser rencontres et tournois avec les autres équipes de la région toulousaine. Leur but n’est pas de faire une équipe gay mais de permettre aux homosexuels de pratiquer le sport qu’ils aiment sans se poser la question de cacher leur orientation sexuelle, et aux hétérosexuels d’ouvrir leur esprit selon le président de l’association Cyril Broccardo.

Au-delà du rugby, et à travers nos activités festives, sportives et caritatives, c’est surtout une formidable aventure qui lie des gens de tous horizons sociaux, de tous âges et indépendamment de toutes orientations sexuelles.

Silvain de l’association Tou’Win

À l’assaut des stéréotypes

Ce n’est pas un secret, les questions d’inclusion sociale sont au cœur des débats de notre société et le monde du rugby n’est pas en reste quand il s’agit de ces problématiques. Entre l’agression homophobe subie par l’ancien joueur du Stade Toulousain Gareth Thomas fin 2018 et l’affaire concernant Israel Folau, accusé de propos homophobes et haineux, les raisons ne manquent pas pour que la communauté LGBT+ du rugby fasse entendre sa voix. Notamment en France où la star australienne du ballon ovale a trouvé refuge, avec une discrétion toute relative, dans un club basé à Perpignan, suite à son licenciement de la fédération australienne.

La discrimination dans le sport est un sujet qui touche bien plus de terrains que celui du rugby. En effet, on retrouve les mêmes problématiques dans le foot par exemple, où la place de la femme commence à peine à se démocratiser. En parallèle, un homme qui pratique la danse ou un autre sport généralement associé à la femme, a plus tendance à être mal perçu.

Mais Tou’Win est sur tous les fronts quand il s’agit de se battre contre l’homophobie. Le club profite de chaque espace de mise en lumière pour partager ses valeurs et faire la chasse aux idées reçues. Cela commence par leur présence à chacune des Marche des Fiertés de la ville rose où ils manifestent de concert avec toute la communauté LGBT+ toulousaine.

Une autre des actions de l’association est de soutenir et faire signer la charte contre l’homophobie dans le sport aux clubs amateurs et professionnels de France. Tou’Win a par exemple été invité au Stade Rodez Aveyron, le 5 février 2018, pour être témoin de la toute première signature de cette charte par une équipe de Fédérale 1. Une initiative renouvelée le 17 mai 2018 lors de leur rencontre avec l’équipe Partenaire du Stade Toulousain.

Signature de la charte de la lutte contre l’homophobie par le SRA et l’association Alertes Aveyron.

À ce jour, Tou’Win a contacté bon nombre de clubs professionnels sans jamais recevoir un seul refus. Cette charte engage moralement les structures et les incite à la prévention auprès de leurs écoles de rugby. Elle a été créée en 2010 à l’initiative de Rama Yade, ancienne secrétaire d’État aux sports.

Sur une note plus légère, le club s’est également offert le plaisir de réaliser un calendrier façon « Dieux du Stade » en mettant bien évidemment l’accent sur la diversité et le partage. Cette dernière édition composée de 35 photos n’a pas mis bien longtemps à tomber en rupture de stock.

TOU’WIN sort son calendrier / Photo Alexis Brivall

Le sport est depuis longtemps un médium d’expression permettant aux athlètes de manifester leurs engagements politiques et sociétaux. Que ce soit au jeux olympiques de 1936, ceux de 1968 ou plus tristement durant ceux de Munich en 1972, les événements sportifs témoins d’actions militantes ne manquent pas et c’est d’autant plus percutant depuis l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux numériques qui permettent une médiatisation démultipliée.

Plus qu’une association, toute une communauté

Tou’Win n’est en effet pas le seul, ni le premier club de rugby inclusif à avoir vu le jour en France. Précédé par Les Gaillards, pionnier parisien de la démarche au sein de l’hexagone, le club toulousain fait aujourd’hui partie d’une grande famille qui ne cesse de se retrouver pour partager et fêter leur amour du rugby sans distinction d’orientation sexuelle. Entre tournois, rencontres amicales et interventions politiques engagées, ces associations s’entourent au niveau national, d’instances comme la FSGL (Fédération Sportive Gaie et Lesbienne) mais aussi à l’internationale avec l’IGR (International Gay Rugby) dont Cyril Broccardo est représentant pour le continent ouest-européen, pour se coordonner et faire entendre leurs messages.

Grace à ces fédérations, le monde du rugby inclusif se manifeste d’une seule et vive voix pour transmettre ses valeurs même aux plus grandes institutions. Notamment lors de grands événements comme la Bingham Cup, tournoi bisannuel organisé par l’IGR depuis 2002 en la mémoire de Mark Bingham, rugbyman gay américain victime des attentats du onze septembre 2001. Cette compétition confronte toutes les équipes de la fédération pour un titre de champion du monde. Ainsi, ces rugbymen montrent à l’ensemble des amoureux du ballon ovale que l’orientation sexuelle n’est pas un critère de succès ou de performance du joueur.

C’est donc dans cette effervescence de diversité et de tolérance que s’inscrit notre club toulousain, fier de montrer que sur un terrain comme dans la vie de tous les jours, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre n’a pas à être une source de discrimination.

Aujourd’hui, il y a une prise de conscience, notamment des pouvoirs publics. Mais de l’autre côté, il y a une libération de la parole, pas qu’homophobe, mais aussi raciste, antisémite… Les gens confondent liberté d’expression et agression. On progresse, mais ça ne sera jamais gagné pour autant.

Cyril Broccardo, président de l’association Tou’Win
[ssba]