Surya Bonaly, icône symbolique du sport français

Changer l’histoire d’un sport ? La patineuse artistique professionnelle française Surya Bonaly l’a fait. Trois fois médaillée mondiale, première et seule au monde à avoir réalisé certaines figures qualifiées d’extrêmement dangereuses, elle n’est pour autant pas parvenue à accéder à la première marche du podium. Dite victime d’injustice, de nombreux médias internationaux l’invitent pour en témoigner.

Définie comme figure rebelle et interdite par la rédaction de Paris Match Belgique, une icône du sport français ou encore une légende, Surya Bonaly a su faire parler d’elle. Née le 15 décembre 1973 à Nice, Surya Varuna Claudine Bonaly est d’origine réunionnaise, elle a été adoptée à 8 mois par Georges et Suzanne Bonaly, professeurS d’éducation physique. Elle est initiée au patinage par sa mère dès l’âge de 3 ans et commence sa carrière sportive par le Tumbling (gymnastique acrobatique).

Les années 90, des virages multiples

En 1992, championne d’Europe, elle est désignée pour prononcer le serment olympique au nom de tous les athlètes lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’Albertville. Elle s’est beaucoup entraînée sur un quadruple saut que personne n’avait réalisé en compétition, cela consistait à faire trois tours en l’air avant de toucher le sol. Son coach de l’époque, Didier Gailhaguet le lui avait interdit, voulant que tout soit parfait, mais déterminée et confiante, elle ne tient pas compte des consignes de son entraîneur. Le saut fût incomplet, elle finit 5ème. À cause de cet incident, Didier Gailhaguet a rompu le lien professionnel après 7 ans de collaboration avec la jeune adolescente qui se retrouve alors sans entraîneur.

En 1994, lors des mondiaux de Chiba au Japon, elle va effectuer des figures rythmiques et uniques. Arrivée ex-aequo en termes de points avec la patineuse à domicile Yuka Sato, c’est cette dernière qui remporte la première place. Furieuse, la jeune fille refuse en larmes de monter sur la seconde place du podium. Elle aurait estimé être victime d’une injustice et de racisme. Surya se place à côté du podium, et n’y montera que pour retirer sa médaille 12 secondes plus tard sous l’objectif de toutes les caméras du monde et les huées des spectateurs. Cette scène sera un tournant tragique dans sa carrière, en effet, elle aurait été à ce moment perçue comme une adolescente capricieuse et sans respect. Cette réaction fera l’objet d’une réunion du jury de l’ISU (la Fédération internationale de patinage) afin d’émettre une éventuelle sanction, cependant elle sera définie comme humaine et par conséquent, dispensée.

Surya Bonaly s’impose une nouvelle fois au Jeux Olympiques de Nagano en 1998. Voyant la médaille hors de portée, elle effectue une figure qualifiée d’extrêmement dangereuse, et qui de plus a été interdite par le règlement plus de vingt ans auparavant. Elle a créé une figure exclusive sur glace nommée « Le Bonaly », salto arrière et réception sur un pied. Elle est la première et la seule femme de l’histoire à l’avoir réalisée.

Le tendon d’Achille de Surya était rompu à ce moment, elle comptait sur l’adrénaline pour passer au-dessus de la douleur et effectuer ses prouesses, elle fait un salto arrière qui va marquer les esprits, elle reçoit un standing ovation, soit plus de 80 000 personnes qui l’applaudissent avant la fin de sa performance, le jury lui, en est resté perplexe. Elle finit 10ème au classement, suite à ces Jeux olympiques décevant, la patineuse cesse la compétition et s’envole pour s’installer définitivement aux Etats-Unis.

Surya Bonaly brise la tradition

L’idéal de la patineuse dans l’imaginaire collectif correspond en général à une patineuse blanche et mince. En patinage artistique l’image projetée compte beaucoup, la question raciale pourrait se poser. Noire, petite et musclée, Surya Bonaly a toujours été loin des stéréotypes que l’on rencontre dans le milieu. Reprochée à plusieurs reprises de manquait de grâce, on lui critique également sa tendance à s’arrêter de patiner quelques instants avant les sauts les plus difficiles. Après avoir été championne du monde de tumbling et après avoir travaillé les enchaînements séparément, l’automatisme d’envisager les figures se déclenchaient et Surya marquait systématiquement un arrêt avant de sauter.  Elle se concentre davantage sur les prestations athlétique forgées par sa mère, professeur d’éducation physique. D’autres professionnels assurent qu’elle doit en effet se concentrer à être plus athlétique car de couleur, sa grâce risque de toujours être remise en cause. La triple vice-championne du monde restera la première patineuse à tenter une quadruple rotation en compétition officielle, et la première femme à avoir réalisé un salto arrière corps groupé sur la glace.  Durant sa carrière amateur de neuf ans, Surya a terminé neuf fois championne national française, cinq fois championne Europe et trois fois médaillée d’argent mondiale. 

Une reine des glaces, victime de racisme ?

 « J’ai fait tout ce que je pouvais, mais je me suis pas peinte en blanc, ça c’est sûr »

Surya Bonaly

Première patineuse noire française et deuxième patineuse noire au monde après Debi Thomas, son parcours intéresse l’Amérique en 2015. C’est Eva Longoria, grande star de la série Desperates Housewives qui va faire découvrir l’histoire de Surya à travers un documentaire « Rebel On Ice ». Celui-ci retrace le parcours de la réunionnaise et plus particulièrement sur son salto-arrière aux Jeux Olympiques de Nagano, diffusé dans Sports Center sur ESPN. « Je me souviens. La première fois que je l’ai vue sur la piste, j’étais surprise : « Wow, c’est une fille black. » Je n’avais pas l’habitude d’en voir dans ce milieu et en plus, elle était extraordinaire » commente Retta Sirleaf, la réalisatrice du documentaire.
Elle raconte que son entraîneur de l’époque, Didier Gailhaguet, était très attentif et se plaignait parfois du racisme des juges. Les commentateurs des jeux faisaient usage de langage codé lorsqu’ils discutaient de Surya, « figure frappante et exotique », « mystérieuse », « une patineuse très inhabituelle dans tous les sens ». Être noire dans cette discipline où la grâce est requise n’a pas été facile pour surélever son parcours sur la scène mondiale.
Si son côté hors normes lui a beaucoup coûté, il a aussi permis à Surya Bonaly de marquer les esprits. Elle a en effet ouvert la voie pour les sportives de couleur et a contribué à une meilleure représentativité des minorités dans le sport. L’ex-championne reste très engagée, notamment contre le racisme. Surya est ambassadrice de l’association « La France des talents et des couleurs », qui a pour but de lutter contre le racisme, la violence et les discriminations dans le sport. Elle entraîne de jeunes espoirs américains de toutes les couleurs sans pour autant tomber dans le communautarisme, elle a refusé de s’associer à un club de Cleveland où les membres sont uniquement noirs. Elle est l’ambassadrice de l’association La France des talents et des couleurs, qui lutte contre les discriminations racistes dans le sport.

Son combat, un espoir pour les sportives de couleur

[…] On se rappelle plus d’une black que d’une Japonaise ou d’une blanche qui devient championne. Si on est intelligent, on cultive cette image.

Surya Bonaly – Le Point Mars 2012

En 2019, la plateforme Svod Netflix réalise une mini-série documentaire qui expose huit sportifs connus ayant un jour connu l’échec dans leur discipline. Face caméra, ils racontent leur vécu et la manière dont ils ont rebondi. Surya Bonaly intègre la collection en exclusivité dans l’épisode 3 intitulée Jugement. Chaque témoignage est accompagné d’images d’archives, de commentaires d’experts ou de proches des athlètes en question, entrecoupés d’images animées qui donnent la petite touche d’originalité à ces 8 épisodes de 30 minutes chacun. Elle y raconte qu’on lui a reprochée de ne pas être jolie, et avoue que cela est difficile d’aborder des préjugés raciaux dans un monde où le spectacle et le divertissement s’imposent. À seulement 16 ans, elle aurait représenté le plus grand espoir du sport français sur glace.

Des nouvelles Bonaly ?

Maé-Bérénice Méité et Yrétha Silete, patineuses artistique françaises noires de 25 ans, sont fréquemment comparées à Surya Bonaly dans la presse écrite. La double championne de France en titre Maé-Bérénice n’a pour autant pas laissé ses études de côté, même si elle rêverait d’un palmarès semblable à celui de la grande Bonaly, elle souhaiterait se lancer exclusivement dans le marketing et la création de parfum. La jeune femme s’est vite démarquée dans sa représentation aux Jeux Olympiques de 2018 à PyeongChang . Une femme noire qui a effectué son programme sur la musique de Beyoncé et casse les codes vestimentaires de sa discipline en se revêtant d’un pantalon. Patiner sur les musiques de « Queen B » n’avait rien d’anodin, en effet le titre Run The World est féministe et Halo est engagé contre le racisme.

Crédits image de couverture : « Surya Bonaly, patineuse artistique au palmarès impressionnant (10 fois championne de France, et seize médailles en Grand Prix)  » par Julie Forsyth sur Pinterest [En ligne] .

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