Pocahontas au service de la dénonciation

SPOILER ALERT !

Ceci est une critique du film Le Nouveau Monde de Terrence Malick

En 2005, le réalisateur américain Terrence Malick sort le film Le Nouveau Monde. Un revisite de la légende de Pocahontas sous-couvert d’un discours sur la colonisation des colons anglais et ses effets. Comment le cinéma Hollywoodien va s’emparer de la représentation de l’autre et de soi ? Peut-il délivrer une version anti-colonialiste ?

L’Amérique, le paradis sur Terre

L’histoire commence en 1607 lorsque des colons britanniques accostent en Virginie, plus de cent ans après la découverte de l’Amérique et de sa colonisation mais pendant les guerres indiennes qui opposent les colons européens aux peuples nord-amérindiens. Pourtant le réalisateur décide de ne pas montrer cette facette. La découverte des habitants décrit dans un premier temps comme « des sauvages » par les britanniques se fait dès les premières minutes du film. À peine débarqué, les deux peuples se retrouvent face à face, nous permettant de dresser un portrait physique et moral des Amérindiens.

La rencontre se fait pacifiquement, les caméras filmant l’échange entre les deux populations montrent l’autochtone comme une entité sportive, vive, furtive, craintive et curieuse. Leur façon d’agir et de se déplacer font penser aux caractéristiques d’une gazelle ou d’une biche.

Plus tard dans le film, le héros John Smith se retrouvera un certain temps avec le groupe amérindien. Il y aura alors de nombreuses scènes d’échanges. À travers un procédé de voix-off, le jeune anglais nous décrit de manière plus détaillée le comportement angélique et la façon dont ce peuple appréhende le monde.

Ils sont gentils, affectueux, fidèles, exempts de toutes fourberies, de supercheries. Les mots signifiants : mensonges, tromperies, cupidités, envies, calomnies et pardon sont inconnus. Ils ne ressentent pas de jalousie et non aucun sens de la possession. C’est réel, ce que je croyais être un rêve.

Le Nouveau Monde, 2005

La représentation physique des Algonquins : un travail d’archives

John Smith, l’espoir d’une vie cosmopolite

John Smith se retrouve capturé par les tribus locales en signe de protestation. Les colons présents sur le territoire nord-américain depuis plusieurs semaines maintenant commencent à s’approprier l’espace. Ils détruisent la nature, coupent des arbres, sous les yeux des Algonquins dans le but de créer un village emmuré. C’est cette première tentative de mise à l’écart couplée à la destruction du paysage paradisiaque qui poussent les autochtones à se rebeller. John Smith se voit châtier à l’immolation par le feu avant qu’intervienne Pocahontas. Grâce à son intervention, le gaillard anglais retrouve sa liberté qu’il consomme avec les Algonquins. Au cours de plusieurs semaines d’immersion, l’ancien captif laisse son statut de colon pour apprendre la langue et les coutumes des locaux. Son approche bienveillante et égalitaire lui permet d’être totalement accepté. C’est aussi à ce moment-là qu’il tombe amoureux de la fille du chef de tribu, Pocahontas. Auprès d’elle, John Smith découvre une vie en communion avec une nature indomptée par l’Homme et sans limite. Bien loin du vieux monde. Dans le film, Smith est la personnification d’une possible cohabitation entre deux cultures différentes.

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Le diable venu souiller le paradis

Pendant que « le traître » prend du bon temps avec les autochtones, les colons anglais continuent leur destruction de la faune et de la flore. Ils ne s’arrêtent pas là, ces derniers vont aussi s’adonner à des profanations de sanctuaires et des conquêtes de territoires provoquant l’anéantissement du peuple amérindien. Loin de l’adaptabilité, la tolérance et la compréhension de l’autre que représente John Smith. Les colons se montrent être des diables venus entacher le décor paradisiaque que propose la Virginie. Ils soumettent leur religion et leur avidité d’or et de diverses autres richesses. En bref, Terrence Malick représente le colonisateur comme le réel barbare de l’histoire.

La dernière partie du film se focalise sur Pocahontas qui se retrouve expulsée des siens après avoir donné à manger aux européens lors d’un rude hiver. Cet acte valeureux va propulser le nom de Pocahontas jusqu’à la cour royale d’Angleterre. L’Algonquienne se retrouve adoptée par les colons présent sur le sol virginien où elle va fonder une famille après le départ soudain de John Smith pour l’Angleterre. Le nom de Pocahontas revenant de plus en plus aux oreilles du roi Jacques Ier, ce dernier décida de l’inviter en terre anglaise. Une fois sur place, elle y découvre une nature apprivoisée se traduisant par des jardins symétriques et des animaux domptés. À l’opposé du discours aimable de John Smith sur les autochtones, Pocahontas se retrouve dans l’ancien monde rongé par la jalousie, le fanatisme religieux, l’avarice et les affabulations.

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Ce qu’il faut retenir 

Le long métrage Hollywoodien délivre sur 2 heures 15 un discours parallèle à la légende de Pocahontas. Tout au long de son histoire, Terrence Malick oppose les autochtones en harmonie avec la nature aux colons civilisés. Cette opposition donne l’impression au spectateur qu’une possible vie entre différentes cultures est envisageable. Cependant, les colonisateurs venus du vieux monde ont préféré écouter leurs pulsions barbares. Engendrant destruction, pillages et tueries.


Pour approfondir la thématique de la colonisation de l’Amérique : Le « jour de la race » ou le  » jour de la résistance » ? La décolonisation symbolique en Amérique Latine.


Malick, T. (Réalisateur). (2005). Le Nouveau Monde [film]. New Line Cinema. Disponible sur Prime Video.


Bande-annonce du film


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