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Smart City & Toulouse Métropole – Quel avenir pour une ville start-up ?

Depuis 2015, la métropole de Toulouse déploie une « Stratégie Smart City ». Sous la tutelle du maire Jean-Luc Moudenc, de nombreux projets sortent de terre. Leurs objectifs s’inscrivent dans le développement d’une métropole ouverte vers le monde moderne. Une alliance se créée entre le monde des start-up et celui de l’urbanisme (moderne) mais quelles peuvent en être les conséquences ?

Toulouse est actuellement en période d’élections municipales. Jean-Luc Moudenc, le maire actuel est aujourd’hui en campagne. De ce fait, et jusqu’au 22 mars, Toulouse Métropole ne peut communiquer sur ses actions passées. Ainsi, communiqués de presse et déclarations de la mairie ont été rendus inaccessibles.

Publication Facebook du 4/12/19

Toulouse Métropole, la ville de demain 

En cherchant sur la toile, certains documents officiels sont encore trouvables, comme ce communiqué de Toulouse Open Métropole, trouvé sur le site de la ville de Gagnac-sur-Garonne.

L’article n’est pas daté et contient seulement des visuels (ci-dessous), ainsi qu’un court texte expliquant le déploiement de la « métropole idéale du futur ». Ce document officiel explique que : « Grâce aux nouvelles technologies, la ville pourra proposer de nouvelles innovations de technologie et de services en termes de déplacements ou de communication, comme la 4G dans le métro, la mise en place d’un mobilier urbain connecté ou encore la mise en place d’un véhicule autonome dans Toulouse. Mais ces nouveautés seront aussi d’ordre social, avec par exemple la création de quartiers intergénérationnels. »

Dans ce communiqué, les acteurs du projet définissent le terme de Smart City (définition du CNIL) pour ensuite légitimer le projet « Open Métropole ». Il est décrit comme un projet d’innovations urbaines et technologiques dédié à améliorer le « quotidien » des toulousain·e·s.

Ce visuel présente les différents objectifs du projet Toulouse Open Métropole. Sa cible semble être le·la citoyen·ne toulousain·e (actif·ve, jeune famille, étudiant·e). L’information est présentée de manière esthétique, claire et simplifiée, voire vulgarisée. L’usage des pictogrammes révèle une volonté d’inscrire le projet dans la modernité, en s’appuyant sur les codes du numérique, des réseaux sociaux numériques et des start-ups (définit par le Larousse comme une « Jeune entreprise innovante, notamment dans le secteur des nouvelles technologies.« 

Portrait de Bertrand Serp

Compte Twitter

En campagne municipale :

Diapositives de présentation du projet Toulouse Open Métropole

L’Open Métropole : le développement d’une « ville intelligente »


Une open métropole ou les données circulent librement et apportent des solutions techniques dans les domaines de : l’énergie, la mobilité, l’e-citoyenneté et le service à la personne.

Smart City : Toulouse l'Open Métropole

Lancée en 2014, la démarche Smartcity, qui vise à construire la métropole de demain, vient de fêter ses un an. L'occasion de faire un bilan d'étape et de s'intéresser à tous les projets en cours ou à venir, dans le cadre du nouveau schéma directeur adopté par la Métropole

Publiée par Toulouse Métropole sur Vendredi 11 décembre 2015

Cette vidéo a été publiée le 11 décembre 2015 sur le réseau social numérique Facebook et sur la page officielle de Toulouse Métropole. Elle parait être une présentation du projet Toulouse Open Métropole (englobée dans le projet Smart City). Elle est, avant tout, un outil de communication qui permet aux acteurs du projet d’informer les citoyen.ne.s.

Jean Luc Maté, président de l’association Cluster Automotech, prend la parole pour citer une des améliorations au niveau de la mobilité. Par exemple, lorsque le citoyen cherche une place de parking ou circule dans la ville, des capteurs situés dans la chaussée lui préviendront des zones d’embouteillage.

Bertrand Serp cite ensuite un autre exemple : les capteurs dans les poubelles. Ils permettront de savoir si l’état actuel des poubelles dans nos villes, et ainsi de « mieux rationaliser nos tournées, faire des économies, d’être smart et plus intelligent dans nos process ».

La communication lancée par Toulouse Métropole est centrée sur l’aspect innovant et moderne d’une ville intelligente. Elle met notamment en en avant toutes les améliorations quotidiennes qu’elle suscitera. Ce projet apparait ainsi comme moderne et devrait rendre plus facile le quotidien des toulousain·e·s.

Comment ne pas être séduit à l’égard d’une telle communication ? Mais cette vidéo n’aborde pas les dispositifs techniques, numériques et de surveillances qui sont (et vont être) mis en place pour dans le cadre du projet Smart City.

Toulouse est ainsi décrite comme « un territoire d’innovation », une niche à start-ups, par la pluralité des acteurs enrôlés dans ce projet d’envergure : 350 citoyens, start-ups, PME, TPE, glosters et grandes entreprises, ainsi que des partenaires institutionnels. Ce projet dispose également d’un budget d’envergure : « Sur les 5 prochaines années, un tiers du budget consacré au développement économique par Toulouse métropole va bénéficier aux acteurs de la Smart City, à raison de 100 millions d’euros par an. »

Capteurs, caméras, hauts parleurs, IBM… sont autant de dispositifs qui sont aujourd’hui déployés dans la ville. Est-ce qu’il s’agit réellement d’une solution pour améliorer notre quotidien et aller à l’encontre de l’insécurité ? Ou s’agit-il d’un moyen de contrôler les citoyen.ne.s tout en marchandant leurs données ?

Retour sur l’événement « Toulouse 2030 », tenu du 12 au 14 octobre 2019 – Place du Capitole

Ce rendez-vous est l’occasion pour les acteurs privés et publics de l’aménagement et du développement urbain de la ville rose d’informer le public sur les projets et chantiers en cours sur le territoire. Il est décrit comme étant un évènement :

  • Exceptionnel : de par sa position géographique, la place du Capitole, un élément central de la ville. Ce choix spatial peut ainsi révéler les ambitions du projet.
  • Pop-up : « 3 jours de fêtes », dont l’objectif est d’être le « plus percutant possible et de proposer un grand week-end de fêtes autour de la ville de demain ».
  • Savant et populaire : de par son contenu défini comme riche (scénographie, programmation éclectique, invités de renoms).
  • Fédérateur : le « Tous ensemble » (institutions locales, grands projets urbains, aménageurs, promoteurs, architectes, urbanistes, paysagistes, partenaires…) qui permettra de « donner la parole à chacun d’entre eux et d’offrir une véritable visibilité aux travaux qu’ils défendent ».

Nous pouvons remarquer que la diversité du programme et des activités proposées rendent le contenu ouvert à tou.te.s. La cible d’un tel événement est grand public (intergénérationnelle et diversifiée). Nous remarquons une volonté d’informer le public selon 2 niveaux de lecture : un contenu savant, destiné au public averti ; et un contenu informationnel davantage vulgarisé, destiné à un public plus large.

Un des objectifs d’un événement de cette envergure semble également se situer dans la création d’une communauté. Cette dernière se lierait via les valeurs communiquées par Toulouse Métropole. Dans un tel contexte, la modernité, l’innovation et la technique serviraient de maillon fédérateur au développement d’une communauté, que l’on pourrait qualifier « d’intelligente » à l’aube de la « Smart City de demain ».

Les moyens mis en œuvre pour cet événement paraissent être importants (budget conséquent et invités de marques), le but principal étant sûrement de faire entendre et accepter le projet Toulouse Métropole auprès de l’opinion publique. La stratégie de communication, quant à elle, est centrée sur la séduction, c’est-à-dire que la forme et le fond ont été pensé pour séduire le public, les spectateur·trice·s, et les faire adhérer aux valeurs transmises.

La bataille entre Toulouse 2030 et Toulouse 2031

Toulouse 2031 est un collectif regroupant 29 associations. Cette alliance prône la volonté d’aller à l’encontre des projets développés par Toulouse 2030. Leurs objectifs est ainsi de placer le citoyen.ne au cœur du développement de sa ville. Pour faire « face à Toulouse 2030, le lobby des multinationales (immobilier, eau, banques), Toulouse 2031 s’efforce de proposer un futur pour tous les Toulousain·e·s ».

Les 15 et 16 juin 2019, les associations, les bénévoles, les collectifs et les organisateurs (le DAL31, Non à Val Tolosa, St Cyp’ quartier libre, Non au gratte-ciel de Toulouse ou encore l’Université populaire de Toulouse) se sont réunis sur les quais de la Daurade.

Né en réaction à l’événement Toulouse 2030, Toulouse 2031 lutte « contre la privatisation de l’aéroport, pour l’accès au logement, contre le projet de tour Occitanie, pour une gestion publique de l’eau… ». Une bataille est lancée, la ville rose (ou la prochaine start-up city) devient source de convoitises, où banquiers, promoteurs, institutions, associations et citoyens s’affrontent.

Mais, face au pouvoir de leurs adversaires, la parole de ces associations peut-elle suffire à retarder un projet d’une telle envergure ?

Toulouse 2031 is coming!

ALLOCUTION EXCEPTIONNELLE DE JVC:" Good news: dans le cadre de notre partenariat avec nos amis de la @Compagnie De Phalsbourg, nous avons signé le permis de construire de la Tour d'Occitanie! Un grand pas pour le tourisme d'affaire dans notre ville!Un immense merci aux lobbys de l'immobilier et du BTP pour nous avoir aidé à bétonner l'Enquête Publique, ça c'est du team-building!"??

Publiée par Toulouse 2031 sur Dimanche 26 mai 2019

Retour sur l’événement Smart City Toulouse, tenu le 13 décembre 2019 – Place du Capitole

Cet événement à été organisé par Toulouse Métropole, La Tribune et Live Living City.

La présentation est ouverte par Jean-Luc Moudenc, suivi par Cédric O, secrétaire d’État au Numérique. Au cours de la journée, différents thèmes ont été abordés : 

  • Les nouveaux enjeux de l’intelligence artificielle (IA)
  • L’innovation sociale, ou les nouvelles armes données par la Smart City pour lutter contre toutes les formes d’exclusion sociale, au bénéfice de la qualité de vie
  • La nature en ville, face à l’urgence climatique
  • Les nouvelles perspectives données par la gestion de l’espace et des mobilités (à travers la Smart City)

Par ces 4 thèmes, les acteurs privés et publics présentent les grands objectifs du plan Smart City : le développement d’une ville intelligente basée sur l’innovation sociale et numérique. Ces progrès semblent représentés des solutions aux problèmes sociaux, environnementaux et économiques de Toulouse, et plus largement aux problèmes mondiaux. 

Les invités viennent de toutes disciplines (économie, géographie, marketing, numérique) ou domaines (entrepreneurial, innovation, éducation, environnemental) et sont principalement chercheurs ou chefs d’entreprises. 

Ce rendez-vous est, ainsi, transdisciplinaire et allie le fonctionnement d’une ville à celui du monde de l’entreprise. Est-ce qu’une ville peut réellement fonctionner comme une entreprise ? Le développement du numérique et des start-ups ne serait-il pas sur le point d’englober nos sociétés modernes ? 

Pour les intervenant·e·s, la solution se situerait au cœur de la transparence, en donnant de l’éthique aux machines de demain. Est-ce qu’une morale appliquée aux technologies suffirait à nous sauver des effets néfastes d’un monde basé sur l’économie ? 

Pierrick Merlet, journaliste à la Tribune, revient sur ces questions qui animent nos sociétés à l’aube de l’intelligence artificielle : « Faut-il avoir peur de l’intelligence artificielle et des technologies qui l’utilisent […] ou encore l’exploitation des données que cette intelligence récolte sur ses utilisateurs, sans parler des robots intelligents qui pourraient remplacer les hommes ? »

Sur le terrain, pour faire exister cette transparence, la solution proposée est l’instauration d’un cadre politique. Un ensemble de règles (accords) créant une charte d’obligations éthiques. 

Pour Bertrand Sep, « Les politiques sont au cœur du système car c’est à eux de fixer les règles. Alors aujourd’hui, il est dit que la France est trop normée mais grâce à ces gardes-fous nous savons où nous allons. » Fixer des limites aux progrès tout en garantissant son développement… pour les élus, la solution se trouverait donc dans l’équilibre.

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Quand la Ville rose s’élève : à qui profite le projet Tour Occitanie ?

D’ici 2030, Toulouse va connaître des transformations profondes, avec l’apparition
de la Tour Occitanie, gratte-ciel ambitieux et emblème du nouveau quartier d’affaires Grand Matabiau. Si la municipalité entend ainsi dynamiser la métropole,
ces projets ne plaisent pas à tous les toulousain·e·s.

La Tour Occitanie : un projet d’envergure

Dévoilé en 2017, le projet de construction d’un gratte-ciel à seulement quelques centaines de mètres de l’historique place du Capitole a révélé au passage la forte ambition
de la municipalité à faire de Toulouse une ville tournée toujours plus vers la modernité et l’internationale.

La Tour Occitanie, dont la livraison est annoncée pour 2022.
© Studio Libeskind/Compagnie de Phalsbourg

40 étages riches de promesses

La future Tour Occitanie, dessinée par l’architecte polonais mondialement reconnu Daniel Libeskind, portée par la Compagnie de Phalsbourg et le cabinet toulousain Kardham, est un gratte-ciel de 153 m de haut, totalisant 40 étages. Construite sur le site de l’ancien centre de tri postal, au bout des allées Jean-Jaurès, l’édifice devrait présenter plusieurs fonctions.

À la fois immeuble de bureaux, de commerces et de logements, cette tour a pour ambition la création d’un nouveau pôle d’activité en plein centre-ville, d’une offre locative intermédiaire ainsi qu’une offre hôtelière attractive (tout près du futur pôle d’échange multimodal de la gare Matabiau). Définie comme respectueuse de l’environnement,
la « tour verte » à l’architecture vitrée et végétalisée est également présentée comme une solution face à l’étalement urbain. Pour cause, les entreprises qui, jusqu’à présent, ne pouvaient trouver des grandes surfaces de bureaux qu’en périphérie pourront venir s’implanter en plein de cœur de la Ville rose.

Un symbole pour l’« extérieur »

Jean-Luc Moudenc s’exprime sur le projet.
© Groupe Métropole d’Avenir / YouTube

Concrètement, un projet tel que celui-ci ne peut que révéler l’ambition de Toulouse à rayonner au-delà de ce qui fait la ville d’aujourd’hui. En avril 2017, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc en parle comme un « signal », expliquant qu’il s’agit notamment de « créer un nouveau poumon économique ». Non-seulement dynamisante et novatrice au niveau architectural, la tour de Libeskind est « un message qu’on envoie notamment à l’extérieur […] de l’ambition de Toulouse et de la dimension de plus en plus internationale que notre ville est en train d’acquérir ».

L’« extérieur », c’est donc l’international pour Moudenc. Il s’agit-là d’une volonté forte de la municipalité : la Ville rose, ville étendue en surface et métropole au record de croissance démographique de France, connue principalement pour sa vitrine aéronautique, peut désormais s’offrir le luxe d’un gratte-ciel. Le prestige se retrouve également dans la conception, puisque Daniel Libeskind est par ailleurs bien connu pour être à l’origine du musée juif de Berlin ou encore du One World Trade Center, à New York. Avec la Tour Occitanie, Toulouse entre de plein pieds dans la mentalité mondialiste selon laquelle les principaux pôles économiques (New York, Londres, Paris, Marseille…) montrent leur attractivité en s’élevant vers les nuages.

Élever le Canal jusqu’au ciel

Dessinée pour répondre à l’appel d’offre lancé par la SNCF en 2016, la Tour Occitanie sera le premier projet réalisé dans le cadre du Grand Matabiau. L’un des impératifs préexistants à l’appel d’offre était de faire correspondre la future construction avec l’environnement.

Lors de la présentation de la tour au MIPIM (salon international de l’immobilier) de Cannes, en 2017, Jean-Luc Moudenc a insisté sur le patrimoine historique du site, en rappelant que le canal du Midi est un bien « classé à l’Unesco », tout autant qu’un bien « naturel ». Pour la municipalité, il était ainsi « inconcevable » de sélectionner un projet aussi moderne sans qu’il soit en « dialogue » avec le « Canal du XVIIe siècle
et la tour du XXIe siècle ».

La dialogue végétal avec le Canal est représenté dans la conception de l’édifice par son jardin cheminant du socle jusqu’au sommet de la tour, et reprenant les codes de végétation déjà présents sur le site. L’architecte Daniel Libeskind l’explique lui-même, lors du même salon : « J’ai été réellement inspiré par le canal du Midi, les beaux arbres, ces arbres en continu qui bordent le Canal, cet espace très poétique qui prend l’énergie
et la beauté du centre de la ville […] et je l’ai apportée comme dans un vert chemin vers le ciel. »

Face aux caméras de France 3 Région, le représentant du cabinet d’architectes toulousains Kardham, associé au projet, mentionne un « endroit magique » où il a été directement envisagé de « créer quelque chose avec le canal du Midi ». Il ajoute : « Cette tour, c’est un peu comme si le canal du Midi montait vers le ciel, en fait. »

Au fond, elle tire la ville vers le haut.

Jean-Luc Moudenc, face aux caméras de France 3 à propos du projet

Si Moudenc rappelle la proximité et l’harmonie de la construction avec le patrimoine du site, il confie voir en ce projet l’image du « printemps architectural » de la ville.
Plus encore, le maire en parle comme de quelque chose voué à tirer la ville « vers le haut », un double sens qu’il est intéressant de souligner. Au sens premier, tout d’abord, puisqu’il est ici question d’un gratte-ciel, appelant immédiatement l’idée de verticalité – mais il ne s’agit pas du sens véritablement entendu par Moudenc lui-même. Aller « vers le haut » implique l’idée d’être préalablement en bas. Lorsqu’on parle d’une ville, on parle d’une cité et donc de ceux qui la composent : ses habitants. La résonnance d’une phrase si simple, celle prononcée par le maire de Toulouse, est lourde de connotations. Elle pousse, en effet, à penser que le politique considère que la ville (et donc, sa population) est
en bas… et aurait donc besoin d’être élevée. Qu’il s’agisse d’une élévation économique, sociale ou tout simplement architecturale, le maire se place ici dans la position de celui en capacité de porter les autres, et rappelle donc bel-et-bien sa fonction de meneur.

Outre sa proximité au sud avec le canal du Midi, la Tour d’Occitanie servira d’ouverture, au nord, à un projet plus vaste encore : Grand Matabiau.

L’inquiétude d’un quartier d’affaires vertical

La tour de 40 étages n’est pas un projet isolé, puisqu’elle fait partie d’un plan d’ensemble lancé en 2016 sous le nom Toulouse EuroSud-Ouest (TESO), rebaptisé « Grand Matabiau » en 2019.

Matabiau réimaginé

Projet d’urbanisme colossal à l’horizon 2030, Grand Matabiau prévoit
le réaménagement du quartier historique de la gare en un quartier d’affaires dynamique, accès principalement autour des voies de transports en commun.

Présentation du projet Grand Matabiau.
© Europolia/Toulouse Métropole

La construction, notamment, d’immeubles de bureaux et de logements prévoit la dynamisation de la zone, qui sera articulée autour d’un pôle multimodal (gare, métros, bus…) et d’un réaménagement complet de l’urbanisme local (création de nouvelles rues et de sous-quartiers, en plus d’espaces verts, par exemple). La 3e ligne de métro devrait également ouvrir 2 nouvelles stations autour de la gare. L’entreprise Europolia, responsable du projet, précise l’objectif final d’avoir un « quartier à vivre dans le prolongement du centre-ville ».

Depuis les premières concertations publiques, le projet est très controversé dans son ensemble. Plusieurs arguments et critiques ont été émises, principalement celles de la modification d’un quartier populaire en un quartier d’affaires adressé aux plus aisés et de l’augmentation des impôts locaux sur le secteur, accélérant donc la gentrification du centre-ville. Un collectif anti-TESO s’est d’ailleurs formé et reste très actif. Enfin, l’utilité de la construction d’une tour comme figure de proue du Grand Matabiau est vivement questionnée.

Des concertations publiques aux résultats étonnants

Pourtant, les divers projets ont bien été soumis à concertation : entre mars 2016 et mars 2017, plusieurs enquêtes publiques ont été tenus pour informer les citoyens des futurs aménagements. Si le projet TESO a suscité plusieurs inquiétude lors de ces débats, la Tour Occitanie, elle, n’était même pas mentionnée.

C’est sur cette base que les citoyens ont été consultés en 2016,
un immeuble ne dépassant pas les 100 m de hauteur.
© Toulouse Métropole/Non au gratte-ciel de Toulouse

En mars 2016, il est expliqué aux publics que l’édifice prévu à l’emplacement de la future tour ne devrait pas dépasser les 50 m de hauteur. Ce n’est qu’à partir du mois suivant que survient la suggestion d’un immeuble de grande hauteur (IGH), amenée par Jean-Luc Moudenc, certifiant cependant que l’immeuble ne dépasserait pas les 100 m de haut. Dès le mois de juin, le compte-rendu des enquêtes stipule l’ouverture d’esprit des publics pour un projet allant jusqu’à 150 m de haut, sans plus de précision sur la nature des commentaires (pour le déroulé des enquêtes publics plus en détail, voir ici).

Un an plus tard, en mars 2017, Toulouse Métropole révèle publiquement la première maquette de la Tour Occitanie, celle-ci n’ayant fait l’objet d’aucune concertation particulière en amont, au salon du MIPIM de Cannes. À cette occasion, les toulousain·e·s découvrent le projet en même temps que les médias.

Des inquiétudes diverses

Hausse des loyers et du coût de la vie aux alentours, ombre portée impactant la vie des riverains, atteinte au paysage urbain, crainte d’un fort impact écologique et environnemental… nombreuses sont les contestations faites à la municipalité face au projet de gratte-ciel. Si l’annonce de Moudenc a été accueillie de façon mitigée par les toulousain·e·s, des collectifs n’ont pas tardé à s’organiser pour mener une action de front, comme le collectif Non au gratte-ciel de Toulouse (également présents sur YouTube).

L’une des premières inquiétudes porte notamment sur le coût de la tour : estimée
à 130 millions d’euros (95 selon Kardham), elle représente un investissement considérable. Même si la municipalité, et notamment l’adjointe au maire Annette Laigneau, a assuré que la collectivité « ne débourserait pas 1 centime » pour sa construction, la question du coût de l’aménagement de son accès reste importante pour
le Collectif. Bien qu’entièrement financée par des fonds privés, jusqu’à la pose et à l’entretien de ses parois végétalisées, la tour pourrait en effet nécessiter davantage de frais.

Vient ensuite la question du paysage urbain. Pour les opposants, la tour viendrait dénaturer le paysage de Toulouse, et marquerait une rupture pour l’historique Ville rose. Plus encore, à terme, la crainte est de voir le Grand Matabiau devenir un concentré de tours, à la manière de la City londonienne ou du quartier Part-Dieu de Lyon qui, depuis 1972, voit les IGH se multiplier.

En décembre 2019, le directeur de France Nature Environnement Midi-Pyrénées, Jean Olivier,
répondait aux caméras de France 3 concernant les inquiétudes environnementales.
© France 3 Occitanie/YouTube

Les inquiétudes environnementales sont également très variées. Tout d’abord, la consommation énergétique d’un tel bâtiment qui entrainerait à la fois l’apparition d’un îlot de chaleur supplémentaire (à l’heure où l’écologie presse pour les réduire) et nécessiterait un apport d’eau considérable (ne serait-ce que pour l’entretien des végétaux en façade). Ensuite, un risque d’inondations important, les fondations de la tour créant un blocage des nappes phréatiques et laissant à chaque pluie l’occasion de les saturer.
Mais le risque le plus inquiétant serait celui d’un débordement du canal du Midi, le site du chantier étant en fait le plan de secours pour évacuer l’eau vers les chemins de fer en cas de nécessité.

Enfin, le plus grand questionnement reste celui de l’avenir de la Ville rose. Le risque d’augmentation du coût de la vie en centre-ville entraînerait, selon les détracteurs du projet, une irrémédiable gentrification, incompatible avec les populations peu aisés qui occupent le secteur de Matabiau. La perte de l’identité locale, avec un développement urbain plus mondialisé ou encore le développement de Toulouse Smart City, à base de tours et de quartiers d’affaires, est également une source d’inquiétude.

Un projet bel et bien enclenché

Malgré tous ces questionnements, le permis de construire la tour a bien été signé et délivré par la mairie de Toulouse en juillet 2019. Si la municipalité s’en félicite, le Collectif opposant considère cette décision comme étant anti-démocratique. En argumentaire de leur pétition en ligne, ils dénoncent un « déni de la démocratie locale ».

Depuis, plusieurs recours en justice ont été déposés par les anti-tours, soutenus notamment par des associations telles que le DAL 31.

Fin 2017, le président du Collectif, Richard Mebaoudj, s’était adressé directement au maire par courrier pour exprimer ses inquiétudes. La réponse de Jean-Luc Moudenc a été rendue publique (PDF).

Dans cette lettre de 6 pages, le maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole tente de répondre à toutes les incertitudes qui planent autour de la construction et de la viabilité de la Tour Occitanie, et se veut rassurant. Cependant, dès les premiers paragraphes, il ne manque pas de rappeler l’engouement local pour le projet et sa vocation exceptionnelle pour Toulouse.

Tout d’abord, je tiens à vous préciser qu’un bon nombre de Toulousains m’ont écrit pour me témoigner leur satisfaction de voir réalisée au sein de notre ville une telle prouesse architecturale. (…) Il est à noter qu’avec cette tour, Toulouse, métropole des réussites, disposera d’une réalisation
à la hauteur de ses ambitions.

Jean-Luc Moudenc, courrier à l’attention de Richard Mebaoudj et du collectif Non au gratte-ciel de Toulouse

Au moyen de nombreux outils typiques de la rhétorique et du discours politique (contre-exemples, inversions, appel aux chiffres, recours aux conventions collectives et à la législation…), Moudenc souhaite démontrer que la Tour est bien pensée, conçue et que chaque problématique a bien été étudiée en amont (« Ces sujets sont parfaitement maîtrisés et ne posent aucun problème »). Il rappelle ensuite que l’autorité (Architecte
des Bâtiments de France) est bien de son côté, et implique par la même que ses soutiens sont nombreux et infaillibles.

S’agissant de la présence de logement sociaux, Moudenc resitue le projet dans les plans plus vastes du Grand Matabiau, justifiant leur absence au sein de la tour. Selon lui, et en vertu des préconisations du Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) qui appuie une proportion de 35 % de logements sociaux dans les nouveaux logements construits à Toulouse, il est préférable d’appliquer cette provision à l’ensemble du projet Matabiau plutôt qu’à la tour elle-même (cela maximisant automatiquement leur nombre). Il ne fournit en revanche aucune réponse précise quant à la présence effective de logements sociaux ou non dans la tour.

Concernant la crainte de la gentrification du centre-ville, pour Moudenc, le détracteur voit les choses à l’envers : ce n’est pas la tour qui va faire augmenter le coût de la vie aux environs, mais c’est bien en raison de son augmentation que le projet est rendu possible. En effet, « la tour n’est pas une cause, mais une conséquence de cette hausse ».

Le maire se dit « volontariste » pour attester de sa bonne foi et rappelle que
« la municipalité reste ouverte au dialogue » (ce qui sera prouvé être faux dans les mois suivant cet échange). Enfin, il emploie le futur pour s’exprimer tout au long de son courrier, sans la moindre conditionnelle. Il n’y a donc pas de doute : pour Jean-Luc Moudenc, l’édifice sera bel-et-bien construit.

Vous le voyez, cette tour n’a pas pour but de défigurer notre cité, bien au contraire !
Toulouse est grande ville qui monte en France.

Avant-dernière phrase du courrier de Jean-Luc Moudenc

Avec le permis de construire délivré, rien n’empêche la Tour Occitanie de sortir de terre d’un jour à l’autre. Si le projet est bien ambitieux (pouvant faire penser notamment à du marketing territorial de grande échelle) pour ses initiateurs, il reste un sujet d’anxiété pour les citoyens opposés à sa mise en œuvre. Les années passées à débattre et planifier un nouveau cœur pour Toulouse n’ont pas suffit à joindre le dialogue entre les 2 camps : les inquiétudes urbaines, environnementales et sociales des toulousain·e·s n’ont pas été rassurées… si tant est qu’elles le soient avant que les jardins de la Tour Occitanie ne culminent au sommet de Toulouse.

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