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Le drame des réfugiés et la peur de l’autre : le modèle de Saint-Jouin-Bruneval

L’accueil de migrants est au coeur des préoccupations politiques, sociales et sociétales en France comme en Europe. Un casse-tête qui divise par la montée du populisme depuis quelques années. La petite commune de Saint-Jouin-Bruneval (Seine-Maritime), commune de plus de 1 800 âmes a fait le choix d’accueillir une famille de réfugiés syrienne. Filmé par une réalisatrice normande, Ariane Doublet, le film documentaire « Les réfugiés de Saint-Jouin » (2017) retrace leurs parcours. On s’est rendus le 25 novembre dernier à cette projection suivie d’un débat dans le cadre du festival Migrant’Scène organisé par l’association La Cimade de Toulouse.

« A la campagne les gens sont souvent racistes »

« Les réfugiés de Saint-Jouin » c’est le combat d’un maire, François Auber (toujours en poste) et de ses partisans, déterminés à accueillir une famille de réfugiés qui fuit la guerre en Syrie. « La décision n’a pas été unanime » indique le maire lors du conseil municipal, mais ils l’ont fait.

La réalisatrice Ariane Doublet pose la question de l’accueil de l’autre, dans une commune rurale où il y a peu voire pas d’étrangers. Ce sont les coulisses de cet accueil qu’elle dévoile à travers ce film documentaire poignant. Ariane Doublet ouvre le débat, entre peur, amalgames, générosité et partage.

La famille Hammoud, nous confie avec sincérité leurs joies d’être toujours en vie et unie. Elle raconte leurs peines et espoirs de pouvoir à nouveau fouler leur terre syrienne. Rires, angoisses et union, découvrez ce film documentaire qui décloisonne les murs de ce village.

« A la campagne, les gens sont souvent racistes » s’exprime un jeune ; « ce qui fait peur, c’est que tu amènes une famille et que du jour au lendemain il y en a dix ou quinze qui arrivent et après c’est plus la tranquillité » indique un agent de police. Des remarques qui en disent long sur les idées reçues dans un camp comme dans l’autre. La famille n’est pas encore là que des opposants se font remarquer à l’abri des regards.

Ce film documentaire c’est aussi le récit douloureux d’une famille meurtrie par la guerre en Syrie. Et la caméra est là pour ouvrir au dialogue.

Si on vient en Europe c'est parce qu'on a pas le choix. C'est difficile d'être un réfugié, je n'avais pas ce rêve un jour de devenir réfugié et en Syrie tout le monde a la même histoire confie Moaoyaa Hammoud au maire.

Echanges et messages d’unité et de solidarité

Fin de la projection, les lumières de l’auditorium se rallument sous un tonnerre d’applaudissements. C’est ainsi que s’engage le débat entre le public du festival et la représentante de La Cimade en présence de Moaoyaa Hammoud, le fils aîné de la famille.

Des échanges cordiaux animent l’assemblée mais une polémique dérange au sujet du déménagement du jeune frère Amro, son épouse Fateema et son fils Mouaz : « votre famille est privilégiée ! » interpelle une femme. « Venir en France, avoir un logement équipé, d’autre n’ont pas cette chance. Je ne comprends pas, pourquoi ils sont partis ailleurs » tacle-t-elle. Pour sa défense, Moaoyaa répond, « Moi et ma famille nous seront toujours reconnaissant de la France. La France a déjà fait beaucoup pour nous, nous ne voulons pas vivre d’aides« . Il explique en toute honnêteté qu’Amro son frère, ayant trouvé une formation au Havre, s’y est installé avec sa famille comme toutes personnes intégrées. Il a obtenu son permis de conduire et parle beaucoup mieux le français. Moaoyaa, lui s’est reconverti professionnellement. Ancien journaliste en Syrie, il travail aujourd’hui dans le secteur de la banque.

On apprend que les Hammoud, continuent à prendre des nouvelles de la situation en Syrie par l’intermédiaire de proches toujours sur place ou dans les pays environnants. Après les dernières annonces du président américain Donald Trump du retrait de ses troupes de Syrie, les conditions pour un retour au pays ne sont toujours pas garanties et restent fragiles.

François Auber absent du festival Migrant’Scène, nous a offert une interview exclusive réalisée le 22 janvier dernier.

Extrait audio réalisé avec la voix d’un comédien.

Divisés, le débat continue sur les réseaux sociaux

Sur Facebook comme Twitter, les avis sont partagés voire très tranchés. Les plus virulents parlent de « propagande« . Les agressions sexuelles « collectives », les viols et les vols en Allemagne sont les instruments de peurs et le fond de commerce de politiques, de médias, et de groupuscules d’extrême droite voire néo-nazi pour diviser et alimenter les peurs.

En France, on songe plutôt aux menaces d’attentats et plus souvent, on compare la situation des sans-abri et des mal-logés aux migrants. La corde est tendue.

Les villages vont devenir des banlieues - Il y a trop de chômage en France, on ferait mieux de s'occuper des SDF dans la rue - Et nos vieux à nous alors ! Ils ont travaillé toute leurs vies et ne peuvent même plus se chauffer etc.

Soit ! Des hommes et des femmes sont fiers eux et le revendiquent. « Fiers » de ce qu’ont pu accomplir cette commune. « Fiers » de ce geste d’humanité envers cette famille syrienne. « Heureux » de voir qu’il existe toujours des personnes avec de « vraies valeurs humanistes« .

Si le modèle de Saint-Jouin reste jusqu’à présent l’une des communes à avoir mis en lumière leur choix, d’autres communes comme celle de Pessat-Villeneuve (Puy-de-Dôme) commune de 579 habitants, accueille chaque année et de manière temporaire migrants, réfugiés et demandeurs d’asile. Des initiatives se mettent en places, des collectifs et des associations sensibles au drame migratoire qui se joue, se mobilisent tous les jours (accompagnement, hébergement, aide) pour sensibiliser la société à ce défi et aller plus loin que les décisions des politiques.

Rencontre

Nos ancêtres seraient-ils des migrants ?

C’est la question à laquelle a tenté de répondre le Festival Migrant’scène en conviant l’historien engagé Gérard Noiriel et l’artiste Martine Derrier le 24 novembre. L’idée : déconstruire les préjugés autour des migrants par le biais d’une conférence à la forme ludique et innovante. Avec « Nos ancêtres les Migrants », le collectif Daja signe sa seconde « conférence gesticulée ». Immersion à Ciné32 (Auch).

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Silence, ça commence ! 

Gérard Noiriel et Martine Derrier débarquent sur scène, valises à la main.
La salle est comble et l’impatience des spectateurs palpable. Ils sont venus en nombre pour voir l’historien, connu pour sa verve et son engagement militant. Le nom de l’événement intrigue. Ce format atypique, tend à se développer davantage avec la création d’un réseau francophone des conférencier.e.s gesticulant.e.s, d’universités populaires gesticulantes et d’un annuaire en ligne.

C'EST QUOI UNE CONFÉRENCE GESTICULÉE ?
C’est la rencontre entre des savoirs chauds (savoirs de vie et populaires utiles à l’action collective) et des savoirs froids (savoirs théoriques et politiques). C'est une prise de parole publique sous la forme d’un spectacle politique militant.

Nous sommes tous des migrants

L’historien joue le jeu de nous livrer des récits de son histoire personnelle, en tant que « migrant de l’intérieur ». Jeune enfant, il a déménagé à plusieurs reprises dans différentes régions de la France. Il nous raconte comment, sa couleur de peau légèrement plus bronzée que celle de ses camarades de classe lui a valu le surnom de « Noireau »… Rires étouffés dans la salle.

Il se sert de cet exemple pour aborder la question des mécanismes d’intégration et de rejet rencontrés par les migrants arrivant en France.

A travers cette conférence gesticulée, il dresse un panorama global de l’histoire de l’immigration française, une version non livresque de son ouvrage récent Une Histoire Populaire de la France.

⇒ Pour en savoir plus sur cet ouvrage, visionnez l’interview de Gérard Noiriel dans l’émission La grande H. pour Le Média.  

L’exemple anecdotique du surnom de Gérard Noiriel met en évidence les processus d’assignation d’un individu à une catégorie, fait socialement construit, qui passe ici par un marqueur physique. Il souhaite montrer qu’on s’est tous et toutes retrouvés au cours de notre vie dans la position de « migrant », « d’étranger ».

L’Afrique est le berceau de l’Humanité

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Gérard Noiriel nous raconte que l’Afrique est le berceau de l’Humanité. Cette thèse est défendue par des historiens et paléoanthropologues comme Cheikh Anta Diop « le restaurateur de la conscience noire » ou Yves Coppens « le père de Lucy ». Ils démontrent que « tous nos ancêtres sont des migrants noirs et que la race n’existe pas ».

Ces propos, considérés comme « tabous » par plus d’un, sont absents des chaînes à grande audience, à quelques exceptions près. En voici l’une d’entre elles.

En 2016, le paleoanthropologue Yves Coppens est l’invité de l’émission « Les Tabous du… Racisme » sur France 2. Lors de son interview, il déclare avec un certain humour :

« Le blanc est une décoloration ! Je suis un décoloré »

Mais encore,

« On peut tous être raciste cela n’a pas d’importance puisqu’on est tous de la même race. Scientifiquement, en ce qui concerne l’Humanité il n’y a pour le moment sur la Terre une seule race humaine : la race Sapiens de l’espèce Sapiens du genre Homo ».

⇒ Pour en savoir plus, visionnez dès maintenant le court extrait de l’émission « Les Tabous du…Racisme ».

Le rôle des médias

A l’issue de la conférence, les réactions sont vives. La salle s’échauffe et les mains se lèvent en nombre. Le rôle des médias est particulièrement attaqué.

D’un calme olympien, Gérard Noiriel évoque la nécessité de prendre du recul vis-à-vis de certains médias, qui véhiculent des informations qui entretiennent les préjugés et cultivent la peur de l’autre.

Un combat qui ne fait que commencer

Pour l’historien militant, ces conférences gesticulées ont pour ambition de favoriser les échanges, de participer à la déconstruction des préjugés autour des migrants et de favoriser le « vivre ensemble ».
Conférence au format ambitieux elle est la première d’une longue lignée destinée à un public scolaire, là où selon eux tout se joue et par où il est nécessaire de commencer…