Black Lives Matter : Comment l’industrie cinématographique s’est adaptée en réponse au mouvement ?

Les révoltes provoquées suite à l’assassinat de George Floyd par un policier de Minneapolis ont réveillé le mouvement Black Lives Matter. Né en 2014 contre les injustices sociales dont sont victimes les afro-américains, ce mouvement de protestation provoque un certain nombre de changements au sein de l’industrie cinématographique.
Hollywood dénonce Hollywood
Dès les premières années qui ont suivi la naissance du #BlackLivesMatter (« Les vies noires comptent ») certaines mesures avaient été proposées et adoptées, notamment en 2018 lorsque l’actrice Frances McDormand avait évoqué lors de la 90e cérémonie des Oscars le terme d’ « inclusion rider » (« avenant d’inclusion »). Il s’agit ici d’une clause contractuelle permettant aux acteurs d’un film d’exercer un droit de regard sur la production afin qu’elle représente au mieux la société contemporaine. Cette mesure a ainsi été adoptée par la major Warner avec l’appui de Michael B. Jordan, porte-parole de la diversité au sein du cinéma américain. L’actrice Brie Larson s’est montrée en faveur de cette clause d’inclusion en 2018, et a invité d’autres acteurs à la rejoindre.
Si cette mesure visant à mieux représenter la diversité au cinéma ou encore le #OscarSoWhite sont des éléments qui ont marqué l’industrie du cinéma ces dernières années, les tragiques événements de Minneapolis en 2020 ont également apporté des changements à Hollywood.
En effet, suite à la diffusion de la vidéo de l’assassinat de George Floyd, des révoltes ont éclaté dans le monde entier, et notamment auprès des acteurs noirs du cinéma américain. C’est dans ce contexte que l’on a pu voir Kendrick Sampson (acteur dans Insecure, miss Juneteenth ) rédiger une lettre signée par près de 300 autres artistes noirs américains, adressée à l’industrie du divertissement afin de changer les représentations et l’inclusion des minorités au cinéma.
Cette lettre suit la démarche de The Black Artists For Freedom, un collectif d’acteurs noirs des industries culturelles qui a publié peu après les révoltes de Minneapolis une déclaration dénonçant le système américain et qui enjoint l’industrie et surtout Hollywood à prendre de véritables mesures afin de lutter contre les injustices sociales subies par les afro-américains au travers de la culture. Parmi les revendications signées par des milliers de célébrités noires telles que John Legend, Trevor Noah, Lupita Nyong’o ou encore Lena Waithe, on retrouve la demande qu’Hollywood n’entretienne plus cette proximité avec la police, appelée « Copaganda » (néologisme constitué de « cops » et « propaganda ») par les militants.
En effet certains studios de production américains étaient alors connus pour travailler avec notamment le LAPD (Los Angeles Police Department) afin d’être fournis en aide logistique ou en matériel pour leurs programmes policiers. Un échange de bons procédés profitable aux forces de l’ordre américaines dont le blason se voyait souvent redorer au travers d’une représentation masquant certains aspects de la réalité.
Par ailleurs, l’Académie des Oscars a également apporté son soutien au mouvement en œuvrant pour plus de diversité au sein de son comité, ainsi Ava DuVernay, réalisatrice noire et engagée pour la cause afro-américaine rejoint les membres de l’Académie désormais constituée de 26 femmes, 12 personnes issues de minorités sur 54 membres. L’Académie a de plus ajouté une liste de critères d’éligibilité basés sur l’inclusion pour pouvoir concourir aux prix lors de la 94e cérémonie qui aura lieu en 2025.
Les plateformes de diffusion streaming s’engagent
Du coté des diffuseurs, le soutien au mouvement s’est également vu de plusieurs manières. Netflix a notamment pris un certain nombre de mesures afin de soutenir #BlackLivesMatter. La plateforme de Reed Hastings s’est engagée dans un communiqué relayé par le magazine Variety en Juin 2020 à faire un don de 5 millions de dollars pour aider les créateurs, les jeunes ainsi que les entreprises détenues par des afro-américains.
Ainsi, Netflix a annoncé répartir 1,5 million de dollars dans différentes structures telles que Ghetto Film School, Black Public Media ou encore Firelight Media afin de produire davantage de contenus audiovisuels mettant les noirs et leurs voix en avant. Depuis 2017, la plateforme de streaming place l’inclusion dans ses valeurs fondamentales et ces questions de représentations sont au coeur de l’image de marque de l’entreprise aussi bien en interne qu’en externe auprès du public.
C’est d’ailleurs ce que confirme la vice-présidente en charge de la stratégie d’inclusion explique dans un article paru sur le site de Netflix: « Netflix a ajouté l’inclusion a ses valeurs culturelles en 2017 » et que « depuis plus de deux ans, l’équipe en charge de l’inclusion effectue un travail de fond pour que l’inclusion prenne racine au sein de l’entreprise ». L’entreprise fonctionne de manière à respecter ce qu’elle appelle le « prisme d’inclusion » conduisant ses employés à se poser les questions suivantes « quelle voix manque ? Qui est exclu ? Notre représentation est elle-fidèle? »
Lorsque l’on dit « Black lives matter », on veut aussi dire « les histoires des noirs comptent ». En comprenant que notre engagement pour un vrai changement systémique prendra du temps – nous commençons à mettre la lumière des histoires puissantes et complexes à propos de la communauté noire
D’autres plateformes de streaming telles que Amazon ou Disney+ ont pris parti et ont témoigné leur soutien auprès de la communauté noire au travers de communiqués officiels ou encore d’aménagement de catégories dédiées à la mise en lumière d’œuvres produites par et/ou pour les noirs.
C’est notamment le cas de Prime Video qui a fait le choix de mettre en avant et en recommandation les œuvres produites par des noirs, ou de Netflix qui a créé une catégorie « Black Lives Matter » composée de 42 titres au sein de son catalogue. La plateforme HBO Max a quant à elle fait parler en retirant temporairement de son catalogue le film Gone With The Wind (Autant en Emporte le Vent) auquel il était reproché de livrer une représentation trop édulcorée de la guerre de Sécession et de l’esclavage. Il est désormais de nouveau disponible mais est accompagné d’une contextualisation historique proposée par l’universitaire Jacqueline Stewart, professeure d’études cinématographiques à l’université de Chicago.

Des mesures revendiquées par les diffuseurs afin d’afficher un engagement envers les luttes sociales mais parfois contestées. En effet, de nombreuses critiques voient le jour visant à dénoncer ce qui est vu comme un caractère opportuniste de la part des plateformes de streaming de s’approprier les questions sociales à des fins capitalistes.