Un lourd passé : stéréotypes dans l’audiovisuel américain

Les séries sont le reflet d’un imaginaire collectif. Pour comprendre les stéréotypes présents dans les séries et leur impact à l’écran, il nous faut faire un retour en arrière. D’abord, sur le lourd passé des Etats-Unis quant à la façon dont sont traités les afro-américains et les mouvements sociaux qui en découlent. Mais aussi, sur la création et l’évolution dans l’audiovisuel de stéréotypes liés aux personnages Noirs.

Le « Black Buck »

Ce stéréotype naît après la ratification du 13ème amendement. Le Buck est la quintessence de toutes les peurs de la morale blanche, le mal absolu. Violent, agressif, ayant soif de pouvoir, mais surtout doté d’un appétit sexuel insatiable.

Apparu à l’écran avec le film La naissance d’une nation de D.W. Griffith en 1915, qui avait pour but de reproduire la guerre de Sécession mais du point de vue des Sudistes. Une scène du film montre une jeune fille blanche être poursuivie par un homme noir qui va jusqu’à se suicider pour ne pas qu’il la viole.

Dans la saison 2 de Desperate Housewives, série télévisée américaine, la seule famille noire du quartier, les Applewhite, est considérée dès son arrivée comme dangereuse. Caleb, un des fils de la famille, est d’ailleurs dès le début enfermé dans la cave de sa maison, considéré comme un criminel. Il est accusé à tort d’avoir violé une jeune fille blanche et est soupçonné d’être responsable de la mort d’une autre jeune femme blanche, reprenant ainsi ce stéréotype.

Le noir criminel : « The Brute »

Exemple de représentation stéréotypée d’un homme noir.

Les personnes noires ont souvent été représentées comme des criminels dangereux. Le stéréotype de la brute dépeint les hommes noirs comme naturellement sauvages, bestiaux, destructeurs et criminels, méritant une punition, et parfois même la mort.

Dans les années 1980 et 1990, la brute typique du cinéma et de la télévision était sans nom et parfois sans visage ; elle sortait de sa cachette, volait, violait et assassinait. Elle représentait la froide brutalité de la vie urbaine. Souvent, membre de gang et parfois toxicomane.

Dans les séries télévisées, comme New York, Police Judiciaire, des voyous noirs sans nom agressent, mutilent et tuent. Le 2 octobre 2000, NBC a lancé Deadline, un drame impliquant un professeur de journalisme colérique. Dès le premier épisode, deux jeunes hommes noirs tuent brutalement cinq employés de restaurant. Ils tuent sans remords.

Le « Coon »

Programme pour Coon Town Suffragettes (1914)

La caricature du Coon est l’une des plus insultantes de toutes les caricatures anti-noirs. Le nom lui-même, abréviation de raton laveur, est déshumanisant. Le Coon était dépeint comme un bouffon paresseux, facilement effrayé, souvent idiot, maladroit, chroniquement paresseux et inarticulé aux dépends duquel on s’amuse.

Le premier Coon du cinéma est apparu dans Wooing and Wedding of a Coon (Selig, 1905), un portrait raciste de deux bouffons stupides et bègues. Plusieurs courts métrages Coon ont été produits entre 1910 et 1911, notamment How Rastus Got His Turkey (Wharton, 1910) et Chicken Thief (1911).

« The Magical Negro »

Les personnages de « nègres magiques » jouent depuis longtemps des rôles clés dans les films et les émissions de télévision. Ces personnages sont généralement des hommes noirs dotés de pouvoirs spéciaux qui font des apparitions dans le seul but d’aider les personnages blancs à sortir des crises, sans se soucier de leur propre vie.

Bruce Tout-Puissant Bande Annonce

Les pouvoirs magiques peuvent l’être littéralement, comme lorsque Morgan Freeman joue le rôle de Dieu dans Bruce Tout-Puissant (2003), ou alors ils peuvent soutenir moralement la quête d’épanouissement du personnage blanc, par exemple avec le rôle de Red dans Les Evadés (1994) également joué par Morgan Freeman. L’acteur Michael Clarke Duncan, aujourd’hui décédé, a joué un tel personnage dans le film La Ligne Verte (1999).

Les Domestiques : « The Tom » and « The Mammies »

Le Tom fait référence au protagoniste de La Case de l’oncle Tom, roman écrit par Harriet Beecher Stowe. Il est la personnification du “bon nègre”, de bonne humeur, généreux, gentil, soumis, obéissant et serviable.

La caricature du Tom, comme celle de la Mammy, est née dans l’Amérique d’avant la guerre de Sécession, dans le cadre de la défense de l’esclavage. Comment l’esclavage pouvait-il être mauvais, selon ses partisans, si les domestiques noirs, hommes (Tom) et femmes (Mammy), étaient satisfaits et loyaux ? Contrairement au Coon, le Tom est dépeint comme un travailleur fiable, désireux de servir. La Mammy, ou nounou, est cette femme maternelle d’âge mûr au physique imposant.

Le film Autant en emporte le vent supprimé des plateformes de streaming car jugé raciste.

Le film Autant en emporte le vent (1939) comportait plusieurs Tom tel que Pork, un homme pathétique, effrayé, voûté, qui parlait à voix basse, désireux avant tout de plaire aux personnes blanches. Dans une des scènes, un personnage Tom nommé Big Sam est aperçu à Atlanta par Scarlet O’Hara. Il est ravi d’être en route pour creuser des tranchées pour les Confédérés, afin de protéger le mode de vie des Sudistes. Le personnage de la servante de Scarlet O’Hara dans ce même film, est une représentation de la Mammy qui fut incarnée à l’écran par Hattie McDaniel.

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