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Quand une minorité en cache une autre

Quand une minorité en cache une autre

Bienvenue en Seine-Saint Denis, le pays du béton et du chômage.” Pour le film L’ascension sorti en 2017, le contexte est posé. Adapté librement du livre Un tocard sur le toit du monde, lui-même inspiré de l’expérience réelle de l’auteur de l’ascension de l’Everest sans aucune expérience en alpinisme en 2008, le film rencontre un succès incontestable : ovationné lors de sa projection au Festival de l’Alpe d’Huez, il y remporte le Grand Prix ainsi que le Prix du public. Problème : si le livre parle de l’expérience d’un jeune adulte franco-algérien et de son rapport à la hiérarchie sociale, le film, adapté par le réalisateur Ludovic Bernard, choisit de se centrer sur le parcours d’un jeune Sénégalais qui réalise un exploit par amour. Choix conscient, coïncidence ? Toujours est-il que, de la visée assumée politique et pédagogique du récit de Nadir Dendoune, la presse retient surtout un feel-good movie sur une aventure sportive et humaine. Comme le titre le journal Respect : “Oubliez l’ascenseur social, grimpez des sommets.” Y aurait-il une fonction politique au remplacement d’une minorité ethno-raciale par une autre ? Quel lien peut-on trouver entre dépolitisation, et transposition d’un personnage d’une minorité vers une autre ? 

L’ascension, Intouchables : quand les personnages arabes deviennent noirs

De toutes les modifications effectuées lors du passage du récit du papier à l’écran, la plus évidente est sûrement celle du changement d’origine du personnage. Nadir Dendoune raconte son expérience personnelle de jeune de banlieue franco-algérien ; le réalisateur Ludovic Bernard choisit cependant de rendre le personnage principal, Samy Diakhaté (interprété par Ahmed Sylla) sénégalais. Ce n’est pas le premier film à effectuer cette transposition. En 2011, lors de la sortie du film Intouchables, on avait pu découvrir que le rôle d’Abdel Yasmin Sellou, lui aussi d’origine algérienne, avait été remplacé par un personnage sénégalais nommé Driss et interprété par Omar Sy. D’arabes, les personnages sont devenus noirs. 

Nadir Dendoune lors de son ascension de l’Everest en 2008, et Ahmed Scially dans le rôle de Samy. En-dessous, Philippe Pozzo di Borgo et Abdel Sellou, puis les personnages qui en sont inspirés, Driss et Philippe.

Ici, le récit sur lequel se base le film raconte l’histoire d’un exploit inédit pour la communauté franco-arabe : Nadir Dendoune est en effet le premier franco-algérien à gravir l’Everest.

Même si l’on ne peut parler, pour aucun de ces deux films, de réelle invisibilisation des personnes arabes – on en retrouve plusieurs dans les personnages secondaires – la question se pose : pourquoi refuser à cette communauté des rôles positifs ? Deux minorités ethno-raciales peuvent-elles réellement être représentées de manière interchangeable ? Montre-t-on de la même manière les personnages arabes et les personnages noirs ? 

Même banlieue, mêmes combats, même représentation ? 

Historiquement, la représentation des minorités arabes et noires s’est souvent rejointe dans l’histoire du cinéma français dans un genre spécifique appelé cinéma de banlieue. Dans ces films, les deux minorités sont représentées équitablement puisqu’elles sont toutes deux placées au même niveau de la hiérarchie sociale : en bas, avec tout ce que ça implique de violence sociale et de discrimination. L’ascension possède plusieurs caractéristiques de ces “films de banlieue” : l’espace urbain de la banlieue comme toile de fond, et un de ses habitants comme personnage principal. 

La banlieue parisienne (ici, La Courneuve), c’est tout le quotidien de Samy avant son exploit : c’est là qu’il a grandi  et c’est de là qu’il part ; c’est aussi là qu’on suit ceux qui sont restés et dont le quotidien se trouve révolutionné par cette aventure. À la fin, quand il se trouve au sommet de l’Everest, Samy brandit une pancarte portant l’inscription 93, correspondant au département de la Seine-Saint-Denis. « Rendre fier le 93« , voilà l’intention première de Nadir Dendoune avec son exploit, son récit et, finalement, ce film.

La représentation à l’écran de l’espace urbain de la banlieue a souvent été porteuse d’enjeux politiques. À travers des films tels que La Haine, L’Esquive ou plus récemment Divines, le cinéma dit de banlieue s’est  progressivement construit comme la tribune d’une communauté socialement dominée, composée majoritairement de minorités ethno-raciales (principalement arabes et noires), à laquelle la  fiction offre une profondeur psychologique en contraste avec la plupart des représentations médiatiques.

Celui qui cite Annie Ernaux en affirmant écrire pour venger sa race de « fils de prolo » et d’habitant de quartier populaire, affiche une démarche de réappropriation de récit par les habitants des quartiers qui rentre parfaitement dans la lignée des films de banlieue tels qu’on les connaît depuis les années 80. L’ascension c’est donc, avant d’être une question de race, une question de classe sociale. La transposition du personnage de franco-algérien à sénégalais a donc du sens, dans une certaine mesure, puisque le film aborde la question de la difficulté d’ascension sociale commune à ces deux communautés dans les banlieues.

Nadir Dendoune pour TV5Monde, « On ne guérit jamais de l’exil »

Divines, film franco-qatari réalisé par Houda Benyamina, sorti en 2016.

Des stéréotypes différents

À ce jour, les minorités ethno-raciales sont toujours victimes de discrimination et cela se reflète dans leur représentation à l’écran. Ce qui rend problématique la transposition d’origine du personnage de Samy, c’est le fait que ces minorités subissent des discriminations différentes. L’ascension ne semble pas aller autant à contre-courant des stéréotypes raciaux qui persistent dans le cinéma qu’il le pourrait.

Si une étude du CSA datant de 2019 montre un certain progrès dans la diversité des origines à la télévision, elle dénote malgré tout une augmentation de la représentation des personnes perçues comme noires (50%, contre 45% en 2016) et un recul pour les personnes perçues comme arabes qui passent de 25% en 2016 à 19% en 2018. À cela, on peut ajouter le fait que les personnages arabes sont plus de deux fois plus présents lorsqu’il s’agit d’une représentation de la délinquance et de la criminalité (13% des personnages perçus comme noirs, contre 28% pour les personnages perçus comme arabes). 

La représentation des personnes noires a également  longtemps été traversée de stéréotypes raciaux (bien que celle-ci ait été sujette à plus de variations que celle des personnes arabes). Actuellement, le trope le plus courant pour les personnages noirs masculins est celle du superhéros et du personnage drôle et bienveillant (dont la figure principale en France est l’acteur Omar Sy, grâce à des rôles comme celui de Driss dans Intouchables), conséquence d’une volonté d’Hollywood d’inverser les rôles positifs. Ces représentations impliquent pour les personnages une morale infaillible, et elles sont souvent relativement dépourvues de revendications politiques fortes. On peut y reconnaître le personnage de Samy : généreux, courageux, il n’abandonne jamais face à la difficulté de l’épreuve ; au quartier, il ne réagit jamais aux remarques de ses amis sur la drogue. C’est un personnage au cœur pur, sans faille.

Dans ce contexte, il est légitime de se questionner sur le fait de rendre le personnage de Samy sénégalais au lieu de franco-algérien ; et sur la manière dont, à plusieurs reprises, le réalisateur met en scène les personnages perçus comme arabes (notamment ceux d’Amir El Kacem et de Rabah Nait Oufella) parlant de trafic de drogue ou proposant à Samy du cannabis. Bien sûr, le film étant une comédie, ces quelques stéréotypes sont relayés sur le ton de l’humour.  Cependant, au vu de ces dernières études, on peut se demander si ces blagues sont véritablement bienvenues ou si elles ne font que perpétuer des stéréotypes déjà bien ancrés dans le cinéma français. 

Une occasion manquée

Même si L’ascension offre une vision rafraîchissante de la banlieue, en accord avec la volonté de Nadir Dendoune de se débarrasser du fantasme “condescendant” de celle-ci de la part de personnes qui “ne franchissent jamais le périphérique”, il est regrettable de constater que le film, pourtant basé sur un récit écrit avec une intention si ouvertement politique et une symbolique si forte, n’exploite pas complètement son potentiel.

Dans une société où les acteurs arabes se voient donc le plus souvent attribuer des rôles de criminels, tandis que les personnes noires bénéficient d’un relatif contre-stéréotype dans lequel ils sont représentés comme moralement infaillibles et héroïques, il aurait été rafraîchissant de voir un acteur arabe, surtout dans le cadre d’une histoire positive, même d’un exploit, concernant directement la communauté franco-arabe. C’est d’autant plus étonnant lorsque l’on sait l’engagement politique de l’auteur, et sa connaissance de la représentation limitée des personnes arabes dans les médias.

«Sans faire pleurer dans les chaumières, nous, les Arabes, on nous voit au mieux comme des footballeurs ou des rappeurs, au pire comme des dealers. Jamais en chef d’orchestre ou danseur étoile, par exemple» Nadir Dendoune pour Libération, le 20 janvier 2017.

Si l’on ne peut pas lier directement la changement d’origine du personnage principal à la diminution de l’impact politique du film, il est certain que cela a amoindri son potentiel subversif. Du « message politique fort » que Dendoune voulait adresser à la France, la plupart des articles de presse retiennent un feel-good movie ; un film ‘réjouissant”, “à faire fondre le critique endurci”, une “comédie qui allie escapade dépaysante et aventure humaine”, un “long-métrage tendre et cocasse”. Le journal Télérama va même plus loin, affirmant que grâce au réalisateur Ludovic Bernard, le film “s’affranchit des revendications sociales pour s’intéresser d’assez près à l’aventure humaine et sportive en tant que telle.” Peut-être la réception aurait-elle été différente si l’auteur avait lui-même réalisé son film.

En attendant, Dendoune continue d’essayer de changer l’image des habitants de quartier, livre par livre, film par film. En 2017, il publie Nos rêves de pauvres ; l’année suivante, il sort Des figues en avril, un documentaire dressant le portrait de sa mère Messaouda qui vit seule en banlieue parisienne. Le journaliste, devenu auteur et réalisateur, avait prévenu : « Je ne serai jamais traître à mon quartier. »

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Autant en Emporte le vent : Quand la fiction change l’Histoire

Autant en Emporte le vent : Quand la fiction change l’Histoire

La polémique a éclaté le 10 juin 2020, lorsque HBO retire de sa plateforme le film de David O Selznick. Les réactions ne se font pas attendre, certains criant à la censure généralisée, dans une période charnière pour les luttes antiracistes avec le mouvement Black Lives Matter. Il s’agit ici d’un sujet épineux puisque le film, adapté d’un livre paru trois ans plus tôt, traite effectivement d’une famille sudiste pendant la guerre de sécession, période où l’esclavage était encore d’actualité.

Le film paru en 1939 revient aujourd’hui au centre de l’attention médiatique, alors que la chaîne de streaming HBO a décidé de le retirer temporairement de son catalogue pour y ajouter du contenu, afin de restituer le contexte historique dans lequel l’œuvre est sortie. Jugé raciste, Autant en Emporte le Vent reste le plus gros succès au box-office mondial de tous les temps en prenant en compte l’inflation, 80 ans après sa sortie.

Différentes réactions critiquant la suppression de Gone With The Wind par HBO sur Twitter

Mais alors, Autant en Emporte le Vent glorifie-t-il ce qu’il dépeint ? 

Réécrire l’histoire pour justifier ses actions 

La défaite des Etats du Sud lors de la guerre de Sécession a laissé une marque indélébile sur beaucoup de confédérés, bien après 1865. Pour mieux digérer cette défaite, une théorie négationniste est venue falsifier l’histoire du conflit, celle de la “cause perdue”. La mythologie liée à cette idée tend à faire croire que le combat contre le nord était perdu d’avance mais était avant tout une cause noble et juste. Elle affirmait que les confédérés ne défendaient non pas l’esclavage mais plutôt les droits de leur propres Etats selon la constitution Etats-Unienne. 

« La guerre de Sécession est à l’origine une guerre civile qui a duré quatre ans, opposant les États-Unis d’Amérique (l’Union) à onze États sécessionnistes du Sud (la Confédération). Ce conflit trouve son origine dans le système de l’esclavage, sur lequel repose toute l’économie agricole du Sud, mais qui se trouve contesté par l’essor du mouvement abolitionniste. Ayant causé la mort de six cent mille hommes et la ruine de plusieurs États du Sud ravagés par les combats, la guerre de Sécession libère quatre millions d’esclaves, mais ne met pas un terme à la ségrégation qui perdure jusqu’aux années 1960.

On retrouve effectivement ce point de vue dans Autant en Emporte le Vent, cependant sa présence n’est pas pour autant glorifiée. Elle existe oui, mais les protagonistes qui soutiennent la cause sont dépeints comme peu moraux ou peu conscient de leur condition. Le film tend à produire une forme de critique implicite de la cause perdu des confédérés, car les personnages plus ou moins référents en termes de morale sont bien plus partagés sur cette guerre et sur le bien-fondé de leur cause. Lors d’un débat entre confédérés, Rhett Butler déclare par exemple :

« Les Yankees sont mieux équipés que nous […] tout ce que ce que nous avons c’est du cotton, des esclaves et… de l’arrogance. »

C’est de cela que vient la pluralité des interprétations possibles du film, qui propose des opinions variées via ses personnages et fait passer implicitement certains messages.   

Autrice contre producteur : deux visions opposées

Avant d’être un film, Autant en Emporte le Vent est à la base un roman publié par Margaret Mitchell publié seulement trois ans avant sa version cinéma. Les deux œuvres racontent la même histoire mais leurs auteurs n’ont en fait pas le même point de vue sur la population afro-américaine. 

Si l’on se penche sur la vie de Margaret Mitchell, on se rend rapidement compte qu’elle a vécu personnellement les conséquences de la Guerre de Sécession en tant que femme blanche sudiste. Adolescente, elle était particulièrement attachée aux œuvre littéraires du suprémaciste blanc Thomas Dixon ce qui a également influencé ses positions sur la Guerre de Sécession et sur la communauté afro-américaine.

De l’autre côté, David O. Selznick, le producteur du film de 1939, est né dans une famille juive dans un Etat du Nord. Il est considéré comme un libéral progressiste. Il a notamment dit :

“I, for one, have no desire to produce any anti-Negro film… In our picture I think we have to be awfully careful that the Negroes come out decidedly on the right side of the ledger, which I do not think should be difficult.”

Margarett Mitchell
David O’Selznick

Pour aller dans ce sens Selznick va décider d’humaniser les personnages noirs dans son film, plutôt que de condamner l’esclavage qui, en 1939, était illégal depuis longtemps. A l’inverse, il choisit de supprimer le KKK du script, qui était effectivement présent dans le livre. Il y a donc ici une volonté de ne pas donner de visibilité à un mouvement suprémaciste blanc qui à l’époque était encore très actif. C’est par ailleurs un mouvement qui s’est reconstitué précisément après la sortie d’un film au cinéma en 1915, The Birth of a Nation, donnant ainsi à voir l’impact sociopolitique qu’une œuvre fictionnelle peut avoir sur la réalité.

« Considéré comme le premier succès commercial de Hollywood, ce film a autant révolutionné les techniques cinématographiques qu’il a alimenté durablement des stéréotypes racistes dévastateurs sur les Noirs-Américains. Sa sortie en 1915 a eu un impact tel, qu’elle a relancé le Ku Klux Klan. » France Culture

L’esclavage, pratique moralement acceptable ? 

Pourtant la représentation des noirs et de l’esclavage dans Autant en Emporte le Vent reste pour beaucoup problématique. Par exemple, le film n’évoque jamais la vraie condition des esclaves. Ils sont représentés comme de simples travailleurs et ne sont jamais maltraités, achetés ou vendus. On pourrait quasiment croire à du salariat. 

De même, les personnages ne font quasiment aucun effort pour questionner la moralité de l’esclavage, il y a en effet une seule ligne de dialogue liée à ce sujet entre Scarlett le personnage principal et son mari : 

“Scarlett, je ne ferai pas de profit sur le dos de travailleurs forcés et sur la misère d’autrui ». 

“tu n’étais pas si regardant quand tu possédais des esclaves.” 

“c’était différent, nous les traitions correctement. Et puis je les aurais tous libéré à la mort de père, si la guerre ne les avait pas libérés avant.” 

Les personnages noirs ont l’air en plus de cela satisfait de leur condition de vie. Mammy, la servante interprétée par Hattie McDaniels est représentée comme douce et empathique. C’est, il faut le dire, une nette amélioration par rapport à l’œuvre originale qui la qualifiait de “singe triste et incompréhensif”. Pourtant dès la sortie du film, des voix se sont élevées pour dénoncer la docilité de Mammy. 

Manifestations de la communauté afro-américaine devant un cinéma lors de la première de Gone With The Wind, 1939.

Cela n’a pas empêché Hattie McDaniels de décrocher un oscar pour son rôle, le premier décerné à une femme afro-américaine. Mais là encore, la société américaine ségrégationniste empêcha l’actrice d’assister à la cérémonie de remise des prix, puisque celle-ci était interdite aux non-blancs. Son oscar ne lui permettra d’ailleurs pas d’agrandir la variété de ses rôles au cinéma car elle sera, comme la grande majorité des femmes noires à cette époque, reléguée au rang des rôles de domestique. Une autre actrice noire du film, Butterfly McQueen, sera-t-elle aussi obligée de jouer des bonnes de maison par la suite, jusqu’à ce qu’elle décide de stopper sa carrière au cinéma en 1947, fatiguée de jouer des rôles stéréotypés.

La Déconstruction plutôt que la destruction :

En définitive, Autant en Emporte le Vent traite d’un sujet sensible encore aujourd’hui. La guerre de sécession marque un nouveau départ pour les Etats-Unis mais les anciennes rancœurs n’ont pas disparu pour autant.  D’autant plus que ce film ne condamne jamais explicitement la confédération. Il laisse alors à certains spectateurs la possibilité de se réapproprier le film en en faisant un porte étendard de la culture sudiste et du racisme.

Des personnalités ont d’ailleurs dénoncé directement la présence du film sur les plateformes de streaming. C’est le cas de John Ridley, scénariste primé aux Oscars pour son film 12 Years a Slave « C’est un film qui, lorsqu’il n’ignore pas les horreurs de l’esclavage, ne s’arrête que pour perpétuer certains des stéréotypes les plus douloureux des personnes de couleur. »

Cependant, le fait de supprimer une œuvre empêche l’analyse et la critique de celle-ci, la supprimer revient à effacer une partie de l’histoire. Pour Régis Dubois, spécialiste de l’histoire du cinéma afro-américain, “Il faut regarder notre histoire en face et accompagner ces témoignages de l’histoire, cela fait partie de notre devoir de mémoire.

John Ridley, auteur d’une tribune dans le Los Angeles Time intitulée  » Hey, HBO, ‘Gone With the Wind’ romanticizes the horrors of slavery. Take it off your platform for now »

Le film reviendra avec une discussion sur son contexte historique et une dénonciation de ces mêmes représentations, mais sera présenté tel qu’il a été créé à l’origine, faire autrement reviendrait à affirmer que ces préjugés n’ont jamais existé. 

HBO Max

Un film datant d’il y a 80 ans, tiré d’un livre ouvertement raciste, nécessite une recontextualisation pour qui voudrait le regarder aujourd’hui. HBO Max a d’ailleurs déclaré que maintenir ce film dans son catalogue “sans explication et dénonciation de cette représentation aurait été irresponsable”. 

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Gossip Girl 2.0

Spotted sur les marches du Met : la chute spectaculaire de Gossip Girl 2.0

Casting et intrigues plus inclusives, conscience nouvelle des inégalités sociales, tout en gardant le “même ADN que l’original” : sur le papier, Gossip Girl 2.0 avait tout pour plaire. Pourtant, journalistes et fans de la première heure s’accordent à dire que le reboot est une déception. Après un succès initial fulgurant, la série qui, en moins d’une semaine, avait battu tous les records d’audience de la plateforme (555000 spectateurs pour le premier épisode) et engendré des milliards de réactions sur les réseaux sociaux  (numéro 1 des trendings topics sur Twitter, 15 milliards de réactions sur TikTok le jour de la sortie) s’est rapidement retrouvée au coeur de nombreuses critiques.

La promesse d’une série plus inclusive

Dans une interview accordée à Variety en février dernier, celui qui succéda à Josh Schwartz en tant que showrunner de la série Gossip Girl avait annoncé que les nouveaux personnages seraient “aux prises avec leur privilège d’une manière qui était absente de la version originale,” en alignement avec la volonté de la production de s’adapter aux préoccupations actuelles et de corriger ses erreurs passées.

Le reboot de la série culte suivant le quotidien de la jeunesse dorée de Manhattan contient effectivement quelques avancées notables. La moitié des personnages principaux, et notamment les deux leads – Julien et Zoya, les nouvelles Blair et Serena – sont racisés. De plus, parmi les intrigues amoureuses, on trouve plusieurs relations queers, entre autres : un triangle amoureux entre le personnage de Max, Audrey et Aki, une relation entre Max et son professeur, et un couple de parents homosexuels. Le casting compte même sa première actrice transgenre, Zion Morena, dans le rôle du personnage Luna La.

De manière générale, la série propose une représentation à l’écran de minorités ethno-raciales, sexuelles et de genre largement supérieure à la version originale. Grand changement pour une série qui, dans sa version originale, n’avait qu’un personnage racisé, Vanessa Abrams – dont le développement au fil des saisons avait fait d’elle un des personnages les plus impopulaires de la série – et un personnage queer, Eric Van Der Woodsen. 

Un relooking en demi-teinte

Le bilan de ces progrès reste cependant en demi-teinte. Plusieurs articles accusent l’équipe de production d’un casting coloriste : dans Gossip Girl 2.0, les personnages principaux ne sont plus tous blancs, certes, mais aucun membre du cast n’est dark-skinned. Dans une industrie où, dans les dix dernières années, seulement 19% des femmes noires incarnant un personnage principal a la peau foncée, cela vaut la peine d’être noté (et illustre bien le phénomène récurrent du colorisme à Hollywood).

De plus, la diversité dont se targue le showrunner Joshua Safran ne dépasse jamais le cadre d’une représentation à l’écran. Malgré un contexte propice à l’exploration des enjeux de l’intrication de la classe et de la race, la production a fait le choix de situer ses intrigues dans ce qui s’apparente à une société post-raciale : ainsi, même si la majorité des lycéens milliardaires que nous suivons proviennent de diverses minorités ethno-raciales (afro-américaines, latino, asiatiques), le fait qu’ils opèrent dans un espace historiquement majoritairement blanc n’est jamais soulevé.

De la même manière, les relations queers sont bien présentes et mises en lumière, mais elles semblent complètement normalisées, alors même qu’elles prennent place dans un milieu traditionnellement conservateur. Si les minorités ethno-raciales, sexuelles et de genre sont donc plus visibles à l’écran, ces personnages restent malgré tout dans l’ombre de leurs prédécesseurs, sans véritable récit ou développement qui leur soit propre et qui permette à la série d’éclairer ou de dénoncer certaines dynamiques sociales. 

Cette inclusivité de surface est d’ailleurs déjà évidente dans la bande-annonce. Certes, on y voit des personnages provenant de différentes minorités ethno-raciales, certaines intrigues queers sont sous-entendues, et un personnage est montré dans ce qui semble être une marche pour le climat. Mais cela se fait avec, comme toile de fond, des appartements luxueux, des parents millionnaires, et des intrigues basées sur le pouvoir et le privilège – comme l’illustre bien la chanson Super Rich Kids qui résonne en fond. Le casting est peut-être plus varié, mais les dynamiques restent les mêmes.

Il semblerait donc que l’erreur qu’ont commis les réalisateurs de Gossip Girl 2.0 a été cette tentative de concilier le squelette de la série avec les préoccupations actuelles, donnant lieu à une pirouette scénaristique improbable où le monde des riches est toujours beau, brillant et glamour, mais désormais, il est aussi queer, racisé et self-aware.

En d’autres mots, si la série semble avoir subi un léger relooking, elle ne change pas vraiment dans son essence : elle garde, effectivement, “l’ADN de l’original.” Le niveau de progressisme de Gossip Girl 2.0 apparaît finalement à la hauteur de l’annonce de Joshua Safran : désormais, les riches de l’Upper East Side reconnaissent leur privilège, prennent des Uber à la place des limousines, et sont polis avec leurs employés. Et c’est à peu près tout.

A l’origine, Gossip Girl est un teen soap centré sur le quotidien de lycéens faisant partie de l’élite new-yorkaise. La série joue d’un côté sur le politiquement incorrect et, de l’autre, sur l’opulence et la sophistication. La production ne propose pas de réflexion sur la fortune et le privilège social et a depuis été critiquée pour sa représentation de la consommation, des minorités ethno-raciales et de la sexualité adolescente.

Et en coulisses ?  

Cette société idéale du Gossip Girl 2.0 dans laquelle les personnes racisées accèdent facilement et en nombre à des positions de pouvoir n’a visiblement pas atteint les coulisses de la série culte. La version originale ne comptait, dans son équipe de production, aucune personne de couleur. En 2020, la série en comptait… toujours zéro.

Rapport « Race in the writer’s room » de Darnell Hunt.

Il semblerait que la volonté de la part de la production de corriger son manque d’inclusivité et de diversité ne concernait que la partie visible de la série. Coïncidence ? Après la parution d’études telles que le rapport de 2017 sur la diversité dans l’écriture et la direction de production télévisées, il semble impossible de nier le problème systémique du manque de réalisateurs, de showrunners et de scénaristes provenant de minorités ethno-raciales. Par conséquent, il aurait peut-être été intéressant, si l’équipe de production souhaitait adopter une démarche de rédemption, d’aborder la question des coulisses des productions télévisées.

Qui écrit les histoires que nous regardons ? Est-il pertinent de caster des acteurs racisés et d’inclure des personnages issus de minorités si leurs personnages sont systématiquement écrits par des personnes étrangères aux dynamiques vécues par ceux-ci ? Ne serait-il pas plus intéressant de donner une voix aux personnes concernées, leur permettant d’avoir un véritable contrôle sur leurs récits ? Candice Frederick, dans son article « Talent Of Color Do Not Need White TV Show Hand-Me-Downs », soulève le problème de white gaze dans l’industrie du cinéma et des séries.

“[C]e dont nous avons besoin, et ce que nous demandons, dépasse largement la simple présence d’une personne de couleur à l’écran. Nous voulons de la substance. Nous voulons que les acteurs et actrices racisées puissent avoir leur propre place . Il est important de mettre en lumière des histoires originales écrites par des personnes racisées de talent, jouées par des personnes racisées de talent – sans les présenter à travers un white gaze.”

Candice Frederick, “Talent Of Color Do Not Need White TV Show And Film Hand-Me-Downs”
« Nous avons une industrie qui est contrôlée majoritairement par des hommes blancs, qui, dans de nombreux cas, n’ont pas d’interactions en face à face avec des personnes noires. […] Donc les personnes noires ont tendance à être présentées de manière unidimensionnelle. »

Lorsqu’un personnage issu d’une minorité est écrit par une personne blanche, ou avec en vue un public majoritairement blanc, sa construction porte en elle-même une vision blanche de celle-ci – lui ôtant la possibilité d’une substance et d’une dynamique propres, et pouvant aller jusqu’à la diffusion de stéréotypes ou préjugés négatifs. Comme nous l’avons vu dans la bande-annonce, ce concept de white gaze peut être appliqué au reboot de Gossip Girl puisque celui-ci a été écrit uniquement par des personnes blanches et que ses personnages racisés suivent les mêmes dynamiques que les personnages de la version originale.

Ce que semblent avoir repéré les spectateurs du reboot de Gossip Girl, c’est donc l’aspect performatif de la promesse d’inclusivité de Joshua Safran. Une diversité qui se limite à la représentation à l’écran, suivant les mêmes codes que la série originale (donc, sans exploration des enjeux de classe et de race) et écrite par une équipe de production exclusivement blanche, est difficile à prendre au sérieux, car elle s’apparente plus à une démarche marketing qu’à une réelle prise de conscience des inégalités sociales. 

Silence dans le studio

Lors du Black History Month, le studio Warner Bros (la société ayant produit Gossip Girl) a lui aussi été accusé d’hypocrisie dans son souci d’inclusivité des minorités ethno-raciales. Répondant à un tweet du studio qui rendait hommage aux acteurs noirs de ses films de super-héros, Ray Fisher (Victor Stone, a.k.a Cyborg dans l’univers DC) dénonce des pratiques discriminantes au sein du géant du cinéma.

L’acteur avait déjà alerté au sujet de comportements déplacés de la part du réalisateur Joss Whedon (comportements d’après lui autorisés par la société Warner Bros). En 2020, il tente de rendre publiques des pratiques ouvertement racistes envers les personnes noires de la part de la direction du studio, un mois après l’annonce de la suppression de son personnage du film DC The Flash

“Avant le reshoot de 2017 du film Justice League, des conversations discriminatoires au sujet de la race ont été tenues – à plusieurs reprises -par la haute direction de Warner Bros. Pictures : Toby Emmerich, Geoff Johns, et Jon Berg. […] Quand on entend des directeurs de studio (Geoff Johns en particulier) dire “On ne peut pas avoir un homme noir énervé au centre d’un film”, et qu’on les voit ensuite utiliser leur pouvoir pour enlever TOUTES les personnes noires de ce film – il n’y a plus de place pour le doute.”

Ray Fisher

À l’époque, Warner Bros n’avait pas répondu aux tweets de l’acteur. Le 22 février, lorsque Fisher réitère ses accusations et dénonce ce silence (“[v]ous pourriez essayer de vous excuser publiquement auprès des personnes noires non-fictionnelles impactées par les pratiques racistes et discriminantes de votre entreprise”), le studio ne change pas de posture (malgré de nombreuses preuves de soutien sous le hashtag #IStandWithRayFisher). Dans un tel contexte, il semble encore plus difficile de voir, dans le souci d’inclusivité du reboot de Gossip Girl, autre chose qu’une démarche performative visant à redorer l’image aussi bien de la série que du studio.

L’exemple du reboot de Gossip Girl n’est pas un cas isolé. Depuis quelques années, le tour d’horizon du paysage télévisuel américain s’apparente de plus en plus à une machine à voyager dans le temps – et pour cause, le recyclage culturel est une stratégie commerciale solide. Bien entendu, en leur faisant traverser les âges, les réalisateurs tentent d’adapter leurs productions aux attentes culturelles de notre époque, en faisant preuve de plus d’inclusivité dans leurs castings et leurs intrigues. Mais cette démarche ressemble le plus souvent à un progressisme performatif visant à redorer l’image d’un studio ou d’une production. Ce qui nous amène, dans de nombreux cas, à un résultat similaire à Gossip Girl 2.0 : une histoire écrite par des personnes blanches, pour des personnages blancs, jouée par des minorités – avec, donc, des dynamiques et développements qui ne leur permet pas d’exploiter tout le potentiel d’avoir un personnage principal racisé. Cette ère des reboots participe au passage à raréfier les histoires originales écrites par et pour des minorités (déjà très largement minoritaires). Ce qu’elle nous prouve également, c’est le manque de personnes provenant de ces minorités dans le processus de décision dans l’industrie des séries – un problème qui pourrait aisément être résolu. La question est donc la suivante : est-ce que Hollywood le veut vraiment ?

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OSS 117 par Michel Hazanavicius : détourner pour mieux dénoncer.

Sorti en salle le 4 août dernier, le 3e volet des aventures d’OSS117, Alerte rouge en Afrique noire, a reçu un accueil pour le moins mitigé. Les détracteurs de cet opus, réalisé par Nicolas Bedos, lui reprochent de ne pas avoir totalement su réutiliser les ingrédients qui faisaient la saveur des premiers films : un hommage aux grands classiques de l’espionnage, associé à une critique par l’humour de l’esprit colonialiste français.

Une adaptation au second degré.

[L]a lointaine origine française et l’aristocratisme voyou de l’OSS 117 de Jean Bruce ont des relents d’Arsène Lupin et viennent colorer l’idéologie professionnaliste de cet espion « américain »[1].

Dictionnaire des littératures policières, vol. 2 : J – Z.

Le personnage d’OSS 117, créé par l’écrivain français Jean Bruce en 1949, est un espion des plus sérieux. Bruce reprend à son compte tous les codes classiques du roman d’espionnage : un personnage d’espion aux méthodes expéditives, des fusillades, du sexe… OSS 117 est d’ailleurs souvent comparé à son homologue britannique, le célèbre James Bond, bien que ce dernier n’ait été créé que quatre ans plus tard.

Le succès de James Bond au cinéma, à partir des années cinquante, va entraîner l’apparition d’une ribambelle de copies, plus ou moins semblables à l’original. Certaines de ces copies vont d’ailleurs exploiter le caractère ultra codifié du genre pour créer des parodies. La parodie étant un exercice qui consiste à reproduire une œuvre existante en utilisant un certain nombre de ses éléments constitutifs, afin de les détourner, les exagérer ou les inverser. 

C’est vraiment un film sur les clichés. On a un personnage qui ne réfléchit qu’en terme de clichés […] le scénario avance de cliché en cliché, la réalisation fonctionne de cliché en cliché. 

Extrait d’une interview d’Hazanavicius pour Clap.ch, en 2009.

Dans sa première adaptation des aventures de l’espion en 2006, Michel Hazanavicius prend le contrepied de ces stéréotypes. Plutôt que de tourner en ridicule le genre du film d’espionnage, il choisit de le reproduire fidèlement. L’esthétique d’OSS 117 ressemble en tout point à un film des années 50, sa pellicule rappelant le technicolor et ses plans s’inspirant des mouvements de caméra des premiers James Bond. OSS 117 2 respecte lui aussi ce saut dans le temps, en adoptant une esthétique « pop » fidèle aux années soixante.

Les OSS 117 s’écartent de la tradition parodique pour une forme de comédie plus raffinée, le pastiche. A l’inverse de la parodie, le pastiche ne cherche pas à rendre ses références ridicules, mais au contraire à les restituer fidèlement pour mieux les mettre en perspective. C’est pourquoi les mimiques et l’attitude de Jean Dujardin rappellent souvent un Sean Connery dans son rôle de James Bond.

Pourtant, l’OSS 117 d’Hazanavicius n’est pas une simple copie de l’espion créé par Ian Fleming. Le réalisateur choisit au contraire le second degré, et livre une version caricaturée de son personnage. Hubert Bonisseur de la Bath devient ainsi l’archétype du français raciste, misogyne et homophobe. Des comportements qui apparaissaient déjà dans l’œuvre de Jean Bruce, mais étaient alors plutôt symptomatiques de l’époque à laquelle les romans ont été écrits. 

Elle ferait mieux de s’allonger plutôt que de chanter, le client serait plus satisfait et elle gagnerait davantage.

Extrait du roman Ici OSS 117, par Jean Bruce.

Tcheng LI était un homme discret. De taille moyenne, c’est-à-dire presque grand pour sa race […].

Extrait du roman California zéro pour OSS 117, par Josette Bruce.

Bien entendu, le « club » était fermé aux homosexuels et autres déviationnistes. La maison était sérieuse.

Extrait du roman OSS 117 gagne la belle, par Josette Bruce.

« OSS 117, c’est passer par une époque pour se regarder maintenant ».

Ce personnage qui n’a pas évolué […] son rapport au monde a changé. Les gens ont changé autour de lui. 

Extrait d’une interview d’Hazanavicius pour Clap.ch en 2009.

Hazanavicius et son équipe s’appliquent à recréer l’ambiance générale des époques dans lesquelles se déroulent les deux films. Cela permet, dans OSS 117 : Le Caire nid d’espion, d’inscrire le personnage dans son temps, bien qu’un malaise s’instaure alors entre l’espion, pétri de préjugés, et les Égyptiens qu’il côtoie. Dans OSS 117 : Rio ne répond plus, l’action se déroule douze ans après celle du premier opus et marque, cette fois, un profond décalage générationnel. 

Cette dynamique est revendiquée par le réalisateur : « Ce personnage, qui n’a pas évolué […] son rapport au monde a changé. Les gens ont changé autour de lui [et cela permet] de le mettre dans des situations nouvelles, tout d’un coup d’avoir des gens qui lui répondent […]. » 

Hubert Bonisseur de La Bath en décalage au milieu d’une communauté hippie dans OSS 117 : Rio ne répond plus.

Ce jeu sur les époques permet également une mise à distance qui rend possible la critique d’un certain esprit français qui persiste encore aujourd’hui. De l’aveu même de Jean Dujardin : « C’est aussi fait un peu pour ça, OSS 117. C’est passer par cette époque pour se regarder maintenant. C’est une façon de tirer un peu la chasse, pardon pour l’expression, mais c’est vrai que c’est cathartique. »

Un second degré pas toujours perçu par les spectateurs ?

OSS 117 est un personnage raciste, misogyne et homophobe, pourtant, il est aussi empli de qualités propres aux héros des films d’espionnage. Il y a dans les deux premiers films un jeu comique subtil de la part du réalisateur qui tourne en ridicule son personnage tout en le rendant sympathique. Hazanavicius laisse aux spectateurs la tâche de déceler eux-mêmes le second degré, car il n’explique jamais frontalement son point de vue, bien que les personnages secondaires répondent quasi systématiquement aux répliques graveleuses d’OSS 117 par la gêne ou la réprobation. 

Cette complicité implicite entre le réalisateur et ses spectateurs connaît pourtant ses limites. Hazanavicius, invité en juillet 2021 de l’émission Sous le soleil de Platon, a avoué son malaise face à une partie des fans d’OSS 117 : « La question, c’est : à quel prix vous faites rire ? […] Je pense que je n’assumerais pas tous les gens qui citent des vannes d’OSS dans toutes les circonstances. Il y a des gens, je pense que je rirais volontiers avec eux. Je pense qu’il y a des gros cons qui prennent des vannes de OSS à leur compte et dans des situations dont j’aurais honte, quoi…[2] »

Hazanavicius aborde ici le problème de la réception du second degré pour une partie de ses spectateurs. Quand celui-ci touche à des thèmes problématiques, comme le racisme ou le sexisme pour s’en moquer, il est nécessaire que le spectateur comprenne de lui-même que c’est bel et bien de l’humour. Il doit rire de Jean Dujardin et non avec lui. Ce phénomène explique en partie la réticence du réalisateur à créer le troisième volet de la saga. Le contexte sociétal n’étant, selon lui, « plus le même qu’en 2009 et demanderait par conséquent de trouver une autre manière de raconter les exploits de l’agent secret réac sans pour autant dénaturer son ADN comique.[3] »

Avis d’un spectateur posté sur le site Allociné.

La réalisation du troisième volet est finalement confiée à Nicolas Bedos. OSS 117 Alerte Rouge en Afrique Noire sort au cinéma en 2021 et reçoit des critiques mitigées. Une partie des fans et de la presse salue les qualités cinématographiques et scénaristiques de l’opus, tandis que les autres lui reprochent de manquer de l’inventivité et de la justesse de ses prédécesseurs. 


[1] Claude Mesplède (dir.), Dictionnaire des littératures policières, vol. 2 : J – Z, Nantes, Joseph K, coll. « Temps noir », 2007, 1086 p. (ISBN 978-2-910686-45-1, OCLC 315873361), p. 669-670 (notice Roman d’espionnage).

[2] Interview de Michel Hazanavicius pour France Inter, juillet 2021 : https://www.franceinter.fr/emissions/sous-le-soleil-de-platon/sous-le-soleil-de-platon-du-jeudi-15-juillet-2021

[3] Guedj Philippe, « OSS 117 » : pourquoi Michel Hazanavicius ne répond plus », mai 2019 : https://www.lepoint.fr/pop-culture/oss-117-pourquoi-michel-hazanavicius-ne-repond-plus-23-05-2019-2314537_2920.php

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Le « racebending » pour dénoncer le racisme, ou comment rendre les adaptations télévisuelles plus actuelles.

Choisir des acteurs et des actrices noirs pour jouer des personnages que le public identifie comme blancs ? La pratique provoque de nombreux débats sur les réseaux sociaux et Internet. Les adaptations récentes qui usent du « racebending » n’échappent pas aux diverses polémiques. Elles sont accusées de réaliser des coups de publicité en se servant de la diversité, ou de dénaturer les œuvres d’origine.

Pourtant, la pratique a souvent permis, ces dernières années, d’offrir de la visibilité à certaines parties de la population souvent oubliées ou mal représentées à l’écran. Le phénomène a également été à l’origine d’une représentation plus subtile des personnages. En introduisant des problématiques nouvelles pouvant même enrichir, ou du moins réactualiser, l’œuvre de départ. Cela permet notamment de mettre en avant des questions de société, comme le racisme.

Réécrire les personnages pour inclure des questions de société.

« […] refléter de façon sociologiquement objective la structure sociodémographique, les conduites et les valeurs d’une population donnée ».

Éric Macé, sociologue.

Au-delà du travail d’écriture scénaristique, c’est celui de la réécriture des personnages qui permet d’intégrer les problématiques liées à une communauté donnée. Aussi, changer la « couleur » d’un personnage doit permettre de prendre en compte l’impact que cela aura sur son histoire. Pour citer le sociologue Eric Macé, il s’agit de « refléter de façon sociologiquement objective la structure sociodémographique, les conduites et les valeurs d’une population donnée[1] ».

Un policier noir dans les États-Unis racistes des années 1930 : le cas de Perry Mason.

It’s nice to have a story in the 1930s with any sort of focus on anything other than whiteness. It’s nice to see people of color. It’s nice to see Black people. It’s nice to see women speaking up for themselves. Those are things from the 1930s we don’t see […].

C’est bien d’avoir une histoire dans les années 1930 qui se concentre sur autre chose que la « blanchité ». C’est agréable de voir des gens de couleur. C’est agréable de voir des Noirs. C’est agréable de voir des femmes s’exprimer. Ce sont des choses des années 1930 que nous ne voyons pas […].

Extrait d’une interview de Chris Chalk pour Collider, publiée le 5 juillet 2020.

Dans la série Perry Mason, dernière adaptation en date de l’œuvre d’Earle Stanley Gardner par la chaîne américaine HBO, le personnage de Paul Drake, bras droit du célèbre avocat Perry Mason, est interprété par Chris Chalk, un acteur afro-américain.


Paul Drake, le détective assistant de Perry Mason, incarné par William Hopper (à gauche) dans la première adaptation de 1957, et par Chris Chalk (à droite) dans la nouvelle adaptation de 2020.

La série choisit de se pencher sur les origines des personnages, avant qu’ils n’atteignent leur notoriété dans le monde judiciaire. Paul Drake n’est donc pas encore détective, mais un simple policier de la ville de Los Angeles.

Cela pourrait paraître assez banal, si ce n’est que l’intrigue a lieu dans les années 30, et que les policiers noirs ne courent, pour ainsi dire, pas les rues. Quand cela leur est permis, leur rôle de représentant de la loi est extrêmement restreint, bien plus que celui de leurs collègues blancs. Ainsi, Paul Drake, un policier d’une grande intuition, se voit mettre des bâtons dans les roues par une hiérarchie qui se refuse à le laisser réussir dans son travail.

Ce choix de casting permet ainsi d’embrasser une vision plus globale de l’histoire de la police étatsunienne et de rappeler au spectateur des faits occultés par d’autres reconstitutions de cette époque. Chris Chalk lui-même salue cette décision, dans une interview pour Collider : « C’est bien d’avoir une histoire dans les années 1930 qui se concentre sur autre chose que la « blanchité ». C’est agréable de voir des gens de couleur. C’est agréable de voir des Noirs. C’est agréable de voir des femmes s’exprimer. Ce sont des choses des années 1930 que nous ne voyons pas […]. »



Un homme afro-américain à la tête de la police de Los Angeles : le cas de Bosch.

Dans la série Harry Bosch (ou simplement Bosch en version originale), adaptation en sept saisons de la série de romans de Michael Connelly par les studios Amazon, le rôle d’Irvin Irving, chef de la police pince sans rire, revient à l’acteur noir Lance Reddick.


Irvin Irving, joué par Lance Reddick, est le chef de la police de Los Angeles dans Bosch, l’adaptation de la série de romans de Michael Connelly.

Ce dernier n’en est pas à son coup d’essai, car il a déjà interprété un rôle similaire dans la célèbre série d’HBO, The Wire, avec laquelle Harry Bosch partage quelques similitudes.

Un fait notable, qui fait réfléchir sur la perception du spectateur de fiction, est que la couleur de peau du personnage créé par Connelly n’est en réalité jamais explicitement mentionnée dans l’œuvre originale. Ce qui laisse presque automatiquement penser au lecteur qu’il ne peut être que blanc.

Résultat, les muscles de sa mâchoire étaient devenus le trait le plus prononcé de son visage. Quand on le regardait de face, la mâchoire d’Irving était réellement plus large que ses oreilles en forme d’ailes plaquées contre son crâne rasé. Ces oreilles et cette mâchoire lui conféraient un visage intimidant, pour ne pas dire inquiétant. On aurait dit que ses puissantes molaires étaient capables de broyer des billes de verre.

Extrait du roman Les Égouts de Los Angeles de Michael Connelly, première aventure d’Harry Bosch et première apparition du personnage d’Irvin Irving.

Dans la série Amazon, le personnage d’Irving est noir. Il est le chef de la police de Los Angeles, craint et respecté. Son appartenance « ethnoraciale » est exploitée dans les intrigues politiques et politiciennes, que ce soit dans son quotidien de policier ou lorsqu’il aspire à devenir maire de la ville.

Être femme et noire dans les états du sud : le cas de Preacher.

J’adore. Ça diversifie la série, et je pense que ça va apporter (même si c’est à travers des stéréotypes) le côté femme puissante et indépendante qui se fout de tout dont Tulip a besoin.

Ce serait se voiler la face que de dire que ça ne changera rien du tout, parce qu’il y a beaucoup de personnages racistes dans [cette histoire]. Mais, je pense que ça apporte un nouvel éclairage sympa, et que ça donne la chance à tout ceci d’être une adaptation moderne et pleine de fraicheur. 

Message d’internaute en réponse au sujet « African-American Tulip » sur Reddit, 13 mars 2015.

Dans le cas de Preacher, adaptation de la série de comics de Steve Dillon et Garth Ennis, c’est le personnage de Tulip O’Hare qui prend vie à l’écran sous les traits sous les traits de Ruth Negga, actrice irlando-éthiopienne.


Tulip O’Hare, l’un des personnages principaux de la série de comics Preacher, interprétée par Ruth Negga (à droite) dans l’adaptation de 2016.

Comme le mentionne Kimberley Crenshaw, sociologue américaine à l’origine de la notion d’ « intersectionnalité » : « les expériences des femmes de couleur sont souvent le produit des croisements du racisme et du sexisme […]. Les considérations d’ordre économique – accès à l’emploi, au logement, aux soins de santé – confirment que les structures de classe contribuent largement à déterminer l’expérience des femmes de couleur vis-à-vis de la violence.[2] »

Tulip est une femme forte qui a grandi dans le Sud des États-Unis, imprégnée par son racisme. Le fait d’en faire une femme noire offre la possibilité d’approfondir encore davantage l’histoire et le caractère de cette dure-à-cuire qui refuse de se laisser faire. Cela permet également de rappeler que le racisme est toujours un fait d’actualité brûlant aux États-Unis, à plus forte raison lorsque l’on est une femme.

Une partie des fans se réjouit d’ailleurs de l’indépendance du personnage de la série par rapport à son modèle originel : « Je préfère largement la Tulip de la série à celle du Comic. Celle du Comic paraissait être une extension de Jesse, l’idiote amoureuse qui voulait juste être prise au sérieux, mais la Tulip jouée par Negga fait son propre truc, que Jesse soit ou non de la partie. Certes, les choses fonctionnent mieux quand il est là (il est l’intrigant, elle est l’action), mais la Tulip fait ce que Tulip veut, et c’est rafraîchissant de voir un personnage féminin dont tout l’arc narratif ne dépend pas d’un mec. » (Reddit, 30 novembre 2018, traduit de l’anglais par la rédaction)


Les limites de la représentation.

Quelqu’un d’autre a été partagé en regardant la série, compte tenu des manifestations BLM [Black Lives Matters, NDLR] et du LAPD [Los Angeles Police Department, NDLR] ?

Je sais que la série est basée sur les livres, mais il est difficile d’ignorer le pilote de la série avec [l’homme de couleur] tué dans les premières minutes (M. Flores) par Bosch, les aventures extrajudiciaires de Harry Bosch (rappelez-vous la saison du scénariste/réalisateur de film où Bosch filme un meurtre en direct et ne fait rien)… A chaque nouvelle saison, j’ai le sentiment que je vais voir plus de choses qui me dérangent.

Il y a cependant cette saison avec la brutalité policière dans laquelle Bosch travaille avec Chandler pour obtenir justice pour cet homme noir, donc je suis content que cela n’ait pas été ignoré. Ces derniers mois m’ont fait réaliser que la brutalité policière est bien plus réelle et chronique que ce que j’en savais ; J’espère que la saison 7 amènera une bonne touche de réalité de ce côté-là.

Message d’internaute sur Reddit, 5 août 2020.

Si les castings « inclusifs » permettent, dans l’absolu, une meilleure représentation de nos sociétés, le piège est peut-être de vouloir trop en faire et de quitter le cadre de la réalité en gommant certains faits sociaux, certaines inégalités.

Aussi, s’il peut être inspirant de voir un officier noir à la tête du célèbre LAPD (le département de police de la ville de Los Angeles) il faut néanmoins garder à l’esprit que, de Jacob F. Gerkens en 1876 à Michel Moore aujourd’hui, ce service de police n’a jamais compté que des chefs blancs.

La proportion des chefs de police aux États-Unis témoigne d’ailleurs de la surreprésentation des blancs dans ces postes de commandement. La réalité est donc encore loin de la fiction pour ce qui est de l’inclusion des minorités.



[1] Macé Éric, « Mesurer les effets de l’ethnoracialisation dans les programmes de télévision : limites et apports de l’approche quantitative de la « diversité » », Réseaux, 2009/5-6 (n° 157-158), p. 233-265.

[2] Crenshaw Kimberlé Williams, Bonis Oristelle, « Cartographies des marges : intersectionnalité, politique de l’identité et violences contre les femmes de couleur », Cahiers du Genre, 2005/2 (n° 39), p. 51-82.

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Comment Lupin est devenu noir ?

Il existe un grand nombre d’adaptations dans le milieu du cinéma et des séries. Souvent, les livres qui sont adaptés à l’écran voient des modifications s’ajouter à leur mise en image. C’est le cas de certains Disney, tels que Ariel ou bien Intouchables, inspiré du livre Second Souffle. C’est dans cette même idée qu’a été créée une adaptation avec la série Lupin. Dans cette série, le personnage principal est joué par Omar Sy, sous le nom de Assane Diop. C’est un personnage qui s’inspire des écrits sur Lupin pour lui rendre hommage. La question est de savoir si l’adaptation doit être toujours conforme aux écrits. Si ce personnage rend vraiment hommage à Lupin. Mais aussi si cette adaptation apporte quelque chose de plus à la série. 

Toutes ces questions sont bonnes à se poser.  En effet, en regardant du côté de la réception on constate un grand nombre de réactions, bonnes comme mauvaises. Certaines personnes ne voient pas d’un bon œil cette adaptation qu’ils accusent de « blackwashing », et pour qui cela fait preuve d’anachronisme par rapport à l’histoire d’origine, écrite dans les années 1900. En effet, en France, en 1900, il y avait peu de personnes noires qui avaient un tel rang et qui allaient de lieux en lieux en se déguisant et pillant les riches. Il existe quelques exceptions, tel que Severiano de Heredia, qui devient maire de Paris et ministre, malgré son statut de fils d’esclaves affranchis. Cependant à cette même époque, des membres de l’Académie de médecine, dont Paul Broca, affirment que le noir est moins intelligent de par la petite taille de son cerveau. Par cette rareté de personnalités noires ayant un statut important, certains affirment que l’histoire de Lupin est déformée et voudraient un rétablissement de la réalité de l’époque et une fidélité au livre. Ils vont jusqu’à revendiquer ce point de vue sur les réseaux sociaux, comme Twitter : « Arsène Lupin interprété par Omar Sy … à quand Mohamed Ali interprété par Jean Paul Rouve ? ». L’adaptation ne semble pas faire l’unanimité et sa fiabilité est remise en cause.

Certains réalisateurs, tels qu’Aurélien Molas répondent face à cette problématique :

« La France que je connais aujourd’hui est multiculturelle et je me fous de savoir quelles sont les origines de chacun. Ce qui m’intéresse, ce sont les personnages. Je n’ai pas envie de définir quelqu’un par sa couleur de peau. Je trouve que c’est une c*nnerie abyssale et je suis même assez étonné qu’en 2020 il y en encore des problématiques comme ça. Il s’avère que ce n’était pas un souhait de ma part, j’ai eu en face de moi les meilleurs comédiens. Qu’ils soient black, blanc, beur, c’est la France d’aujourd’hui. La société française est magnifique, même dans les conditions actuelles. Le reste me paraît d’un ancien temps. Qui était là pour parler de l’Histoire de France au 18ème siècle ? »

 Aurélien Molas – Allociné Octobre 2020

Damien Couvreur, directeur de la création de séries Originales internationales chez Netflix, affirme, quant à lui :

« il y avait vraiment l’idée de se dire : qui serait Arsène Lupin aujourd’hui ? » Damien Couvreur – Juin 2021 Europe 1

De ce fait, les temps changent et leur représentation aussi.

Comment expliquer ces choix scénaristiques, quand ils semblent incompris par un grand nombre de téléspectateurs ?

Dans la série Lupin, le personnage central est Assane Diop. Ce jeune garçon découvre donc tout jeune les livres sur Lupin que lui a passé son père qui était, lui aussi, un grand admirateur de ce gentleman voleur. La série permet de découvrir à quel point ce livre et ce personnage ont inspirés Assane Diop et son père, mais aussi son fils Raoul. De ce fait, Omar Sy ne joue pas le « vrai » Lupin mais, un personnage qui s’en inspire pour devenir comme lui et user de ses combines. Il devient un Lupin 2.0, plongé dans son personnage devenant comme lui, un Lupin.

Une porte vers le changement

Maurice Leblanc, créateur de Lupin, avait déjà cette volonté de faire changer les mentalités. En effet, Arsène volait les riches pour donner aux pauvres. Ainsi, dans cette même démarche, la série continue de faire changer les mentalités en mettant en avant une personne issue des minorités métropolitaines, soit 18,2% de la population en France, pour leur donner plus de place dans l’espace public occidental. Ainsi les discriminations de classe sociale sont mises en avant et traitées dans la série par la présence d’Omar Sy, nommé Assane Diop.

Là où certains pourraient voir un mauvais choix de la part des scénaristes, d’autres y découvrent un geste social. C’est à dire qu’une personne faisant partie des minorités est choisie pour être mise sur le devant de la scène et porter haut et fort les couleurs qu’elle représente. Un acteur caucasien est ici joué par un acteur dit « de couleur », afin de faire gagner en visibilité la minorité représenté par cette acteur. De plus, Omar Sy est un personnage qui est aimé par le public français et propage une image positive des personnes afro descendantes. Il a notamment reçu l’Oscar du meilleur acteur en 2012. Des jeunes « non blancs » peuvent, à travers lui, s’approprier l’histoire mais aussi se voir représentés dans une série et ainsi s’identifier au personnage qui leur ressemble. Cela se retrouve dans le discours de Mamadou Haïdara, qui joue le rôle de Assane Diop petit. Il dit, dans son interview sur BRUT, que plus tard il se voit dans le milieu du cinéma. Cela lui a permis de lui ouvrir une porte dans ce milieu mais aussi d’avoir un but et l’espoir que plus tard, lui aussi puisse intégrer ce milieu.

Vidéo Brut – Comment Mamadou Haidara est devenu Omar Sy junior dans Lupin ?

Mais alors dans quelle mesure un film doit être fidèle à son œuvre ?

Se demander la part de fidélité qu’un film doit avoir concernant l’œuvre originale est une réelle question. Le constat est bien souvent qu’un livre adapté en film sera plus ou moins modifié. Les dialogues ne seront pas identiques, les lieux non plus, quelques fois car ils sont inexistants, ou bien parce que les personnages imaginés sont toujours différents de leurs représentations, car un livre ne donne pas toujours d’image prédéfinie. C’est le cas pour les personnages dans les romans, ils ne sont pas toujours décrits sous tous les angles, ce qui laisse au lecteur la possibilité de faire fonctionner son imagination. Mais alors, pourquoi certains spectateurs ont-ils été surpris par le rôle d’Omar Sy dans Lupin ? Peut-être parce qu’il était représenté d’une manière différente des attentes des lecteurs du livre. Cela vient-il changer leur perception de l’œuvre originale ? En effet, il vient changer l’apparence du gentleman voleur que l’on pouvait trouver dans « l’ancienne France ».

De plus, il ne faut pas oublier que dans nos standards cinématographiques, l’acteur blanc fait partie du tableau, de la norme, et cela a été mis en avant lorsqu’en 2015, aucun acteur noir ne fut sélectionné à la cérémonie des Oscars, provoquant la création du hashtag #OscarsSoWhite par April Reign en janvier 2015. C’est également le cas pour la cérémonie des Césars, où le constat est qu’entre 2005 et 2015, les acteurs noirs sont sous représentés dans les nominations, cet article en parle plus en détail. Leur présence dans les nominations va de 0 à 4 personnes d’origines africaines selon les années. L’acteur caucasien joue donc les premiers rôles, tandis que l’acteur noir meurt en début de film comme c’est le cas dans Avengers : Infinity War sortit en 2018, Tau, Hight Life ou bien le chant du loup avec Omar Sy en 2019. C’est le personnage blanc qui a souvent le rôle important, tandis que le  personnage noir et mis en second plan. Dans Lupin, on échange les rôles, bien qu’il soit voleur et qu’il use d’usurpation d’identité, ce qui pourrait lui être déploré. Assane Diop a le premier rôle. Il est au centre du film, c’est à ce personnage qu’on s’attache et c’est lui que l’on suit tout au long dans chacune de ses péripéties.

De ce fait, c’est une avancée de voir Omar Sy en vedette, car cela permet aux minorités raciales d’être vues et représentées sur le devant de la scène, de briller, et de montrer que, s’ils y arrivent, alors les autres peuvent aussi le faire. Malgré les différentes réactions, le constat est que cette série a plu au public, car après la sortie de la saison 2, ​​le 11 juin 2021, la sortie d’une saison 3 a été annoncée et devrait voir le jour courant 2022.