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Le monde des sorciers de J.K. Rowling : Silencio de la diversité ethnique

J.K. Rowing ne se cache pas d’être engagée dans la politique et contre les inégalités sociales. Mais le casting de ses adaptations inspirées d’un univers fantastique est-il représentatif de la population du monde réel ? Va-t-il dans le sens des engagements de Rowling ?

J.K. Rowling, de son vrai nom Joanne Rowling est une romancière britannique, connue pour la célèbre série de romans de low fantasy Harry Potter. La low fantasy est un sous-genre de la fantasy. Cela désigne un monde classique, dans lequel apparait de la magie. Les romans ont eu un tel succès, qu’ils ont été adapté en une saga de 8 films, mais également en pièce de théâtre ; Harry Potter et l’Enfant maudit, ainsi qu’une série de films dérivés : Les Animaux Fantastiques. L’autrice a décidé de regrouper tout cet univers sous le nom « Le monde des sorciers ».


 Un casting à 92% blanc pour Harry Potter

Les rôles « non-blancs » se font rares dans la série. En effet, il y en a seulement 13.

Sur ces 13 personnages « non-blancs », aucun ne joue un rôle principal dans la saga. Il est également important de préciser que Kathleen Cauley et Jennifer Smith, actrices noires qui jouent toutes deux Lavande Brown dans les deuxième et troisième volets de la saga, ont été remplacées par une actrice blanche. En effet, c’est Jessica Cave, qui interprète le personnage lorsque le rôle devient plus important, et que Lavande Brown se met en couple avec Ron. Sur environ 167 personnages dans les 7 films, il y a donc 13 personnages non-blancs… soit environ 7,8% du casting…

En 2015, une vidéo compilant chaque réplique des personnages non-blancs dans les 7 films Harry Potter a été réalisée par l’acteur, écrivain et activiste Dylan Marron, lors de sa série de vidéos Youtube « Every Single Word ». La vidéo dure 6,18 minutes. La durée totale des films Harry Potter est de 1180 minutes. Ce qui fait 0,5% de temps de parole.

Mais qu’est-ce qui peut expliquer le fait que les acteurs.rices non blancs.hes d’Harry Potter aient tous et toutes des rôles secondaires ? Le problème peut venir du fait que, selon certains.es réalisateurs.trices, choisir d’attribuer des rôles principaux à des acteurs.rices noirs.es engendrerait une perte de bénéfices et de financements. C’est ainsi que Ridley Scott, le réalisateur d’Exodus, a dit en 2014 au magazine Variety : « Je ne peux pas faire un film avec un tel budget […] et dire que l’acteur campant le rôle principal est un Mohammed qui vient de tel ou tel endroit. Il ne sera pas financé. La question ne se pose même pas ».

Ce phénomène assez récurrent, du personnage noir comme personnage secondaire, s’explique également d’une autre façon, selon Marie-France Malonga, sociologue des médias, et spécialiste de la représentation sociale et médiatique des minorités.

L’intégration de personnages non-blancs en second rôle est une manière de montrer une certaine bienveillance en disant « regardez on en met, ils sont là », mais sans aller très loin sur la question de la représentation au sens propre. Ça reste un engagement de faible envergure, pas très compliqué. C’est une façon de rentrer dans les attentes des mouvements de revendication des minorités ou des contraintes imposées aux chaînes, tout en continuant à ne jamais mettre l’autre dans la lumière. Les minorités sont toujours dans ce rôle de l’éternel second et souvent dans la figure du faire-valoir, du second couteau, mais ça n’est pas à elles qu’il arrive des histoires. 

Marie-France Malonga sur Slate

En effet, suite au #oscarssowhite lancé sur internet, l’AMPAS (Academy Of Motion Picture Arts and Sciences), qui organise les Oscars, a décidé de mettre en place, dès 2024, une réforme qui vise a plus de diversité. Sur quatre critères, le film devra en remplir au moins deux pour pouvoir être présent dans la catégorie du meilleur film. Il est à noter tout de même que ces critères ne s’appliquent que pour une seule catégorie de récompense…

Les animaux fantastiques : lumos sur les minorités ?

Les Animaux Fantastiques est une saga de 3 films faisant partie du Monde des Sorciers de J.K. Rowling. Cette production cinématographique met en scène des animaux présents dans Harry Potter. La saga est une adaptation du livre-guide que J.K. Rowling avait écrit en 2001 pour l’association humanitaire de lutte contre la pauvreté Comic Relief.

Le premier film, Les Animaux Fantastiques est sorti en 2016. Le deuxième, Les Animaux fantastiques : les crimes de Grindelwald est sorti en 2018. Le troisième, prévu pour avril 2022, est Les Animaux fantastiques : Les Secrets de Dumbledore. Les trois films sont réalisés par David Yates, le réalisateur des quatre derniers Harry Potter.

  • Dans le premier film, sur 50 rôles, seulement 7 sont des minorités , soit 14%.
  • Dans le deuxième film, sur 48 rôles, 7 sont des minorités, soit 14,6%.
  • Dans le troisième film, sur 23 rôles annoncés, 5 sont des minorités, soit 21,7%.

Donc environ 16,8% de rôles attribués à des acteurs.trices non blancs.ches dans la saga Les Animaux Fantastiques, contre 7,8% pour Harry Potter.

Il y a une certaine diversité de représentation ethnique dans le casting : de Claudia Kim actrice sud-coréenne qui interprète Nagini à David Sakurai d’origine japonaise qui joue Krall en passant par Maria Fernanda Candido actrice brésilienne qui interprète Vicencia Santos et Akin Gazi, acteur turc qui interprète Auror 3 ou encore Arinzé Kene d’origine nigériane qui joue Auror 6. La distribution des rôles est donc plus variée. Par ailleurs, un plus grand nombre de personnages « non-blancs » tiennent des rôles principaux dans la saga Les Animaux Fantastiques : Séraphine Picquery, Nagini, Yusuf Kama, Leta Lestrange…

L’inclusion ethnique ne s’arrête pas là dans Le Monde des Sorciers, puisqu’en 2016, dans l’adaptation théâtrale d’Harry Potter, c’est Noma Dumezweni, actrice swazie (pays d’Afrique australe entre l’Afrique du Sud et le Mozambique) qui a été choisie pour interpréter Hermione Granger.

La diversité plus importante dans l’adaptation des Animaux Fantastiques que dans Harry Potter peut s’expliquer par le fait que Les Animaux Fantastiques soit une œuvre plus récente. Comme le montre une étude de Variety, les minorités tendent à être plus représentées dans le cinéma. L’étude compare les 18 mois avant la pandémie (du 1 octobre 2018 au 31 mars 2020), et les 18 mois qui ont suivi (du 1er avril 2020 au 1er octobre 2021). Les acteurs latino-hispaniques ont eu la plus forte hausse de représentation dans les films (mais le pourcentage d’acteurs latino-hispaniques dans les séries est passé de 37,1% à 33% durant cette période). Le pourcentage de films sortis avec des personnages noirs est passé de 56,1% à 58,7%. Reste à voir si cette hausse reste stable ou diminuera dans les prochaines années.

La diversité est donc de plus en plus présente dans les œuvres issues de l’univers créé par J.K. Rowling. Et pas uniquement dans la diversité ethnique des acteurs et des rôles, car, dans le dernier Les Animaux Fantastiques, qui n’est pas encore sorti, les spectateurs apprennent que Dumbledore est gay. Reste cependant des zones d’ombres, lorsque l’on sait que J.K. Rowling est au cœur de plusieurs polémiques, suite à des propos transphobes répétés.

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Ariel 2.0: La Petite Sirène fait polémique

Le choix d’Halle Bailey comme actrice pour interpréter La Petite Sirène a provoqué de grands débats sur la toile, avec le lancer du #NOTMYARIEL après que les studios Walt Disney aient annoncé le choix d’Halle Bailey pour le rôle d’Ariel début juillet 2019. La raison ? La couleur de peau et de cheveux de l’actrice, qui selon les internautes, ne représenterait pas correctement La Petite Sirène originale, blanche aux cheveux roux.

Après Le Livre de La Jungle en 2016, Aladdin et Le Roi Lion en 2019 et Mulan en 2020, c’est au tour de La Petite Sirène d’être adapté en film par le studio de production Walt Disney Pictures. La Petite Sirène est un film d’animation des studios Disney sorti en 1989. Mais cette adaptation de Rob Marshall qui sortira en 2023, suscite la polémique auprès du public.

Le blackwashing n’existe pas. Les sirènes n’existent pas.

Les nombreux tweet déplorent alors un blackwashing, terme désignant le fait de donner à un.e acteur.trice noir.e le rôle d’un personnage blanc. Or, est-il possible de parler de blackwashing lorsqu’il s’agit de mettre en avant des minorités invisibilisées dans les médias ?

Il est important de différencier le blackwashing, du whitewashing, du racebending et du color blind casting. Le whitewashing est l’antonyme du blackwashing : c’est le fait de faire jouer à un.e acteur.trice blanc.he le rôle d’un personnage non-blanc. Dans une adaptation, les personnages dont l’origine ethnique n’est pas clairement mentionnée dans l’œuvre originale ont tendance à être souvent joué par des acteurs blancs. De manière plus générale, le racebending est le fait de changer l’origine ethnique d’un personnage. Enfin, le color blind casting (ou color blindness) traduit par casting daltonien est le fait de distribuer les rôles des acteurs.trices indifféremment de leur couleur de peau et de leurs origines.


En 2015, Thomas Messias, journaliste pour Slate dit : « Il faut donner plus d’espace aux acteurs et aux actrices de couleur, c’est un fait. Leur permettre à leur tour d’incarner des personnages voulus comme blancs par leurs auteurs, ou considérés comme tels dans l’imaginaire collectif. […] Tenter modestement d’inverser la tendance n’est pas du blackwashing. » En outre, il y a beaucoup plus de personnages noirs joués par des acteurs.trices blancs.hes qu’inversement. Le fait de faire jouer à un.e acteur.trice blanc.he un personnage noir s’appelle du whitewashing.



Le blackwashing n’existe pas. La diversité dans les médias (spécifiquement les médias pour les enfants) est plus importante que d’être sûre que l’acteur ressemble au dessin que vous aimiez durant votre enfance. Les sirènes n’existent pas.

SciFi Now sur Twitter, le 4 juillet 2019

Si une partie de la population a aussi mal accepté le fait que la Petite Sirène soit noire dans le remake de 2023, c’est donc principalement parce qu’il est plus habituel de voir des acteurs.trices blancs.ches jouer des personnages noirs que l’inverse.

La chaîne de télé américaine FreeformTV  détenue en partie par Disney Media Network depuis 2011, a également publié un tweet destiné « aux âmes  pauvres et malheureuses » (en référence à la chanson que chante Ursula dans le Disney), en défendant Halle Bailey:

L’auteur original de « La Petite Sirène » est danois. Ariel… est une sirène. […] Mais pour les besoins de la discussion, disons qu’Ariel est aussi danoise. Les sirènes danoises peuvent être noires parce que les *personnes* danoises peuvent être noires. […] Les danois noirs, et donc les mer-folk, peuvent aussi *génétiquement* (!!!) avoir les cheveux roux.

Freeform TV sur Twitter, 7 juillet 2019

La chaîne précise également que dans tous les cas, Ariel est un personnage de fiction.

En réaction a cette polémique, la chanteuse a alors posté sur son twitter une image d’une sirène à la peau noire et aux cheveux bruns, avec en légende « un rêve devenu réalité ». En août 2019, elle dit lors d’une interview du magazine américain Variety : « j’ai l’impression de rêver et je suis très reconnaissante, je ne prête pas attention à la négativité, ce rôle est quelque chose de plus grand que moi et de meilleur, ça va être magnifique, je suis vraiment pressée de faire partie de ce projet. »

Une inclusivité et une diversité par intérêt ?

La diversité de plus en plus présente dans l’univers Disney serait-il un moyen marketing ? Dans une société où il est de plus en plus courant de parler des discriminations qui touchent les minorités quelles qu’elles soient (homophobie, transphobie, racisme, sexisme…), les Studios Walt Disney se serviraient-ils de ce phénomène pour redorer leur image, et ainsi, attirer plus de spectateurs.trices, a l’instar du reboot de Gossip Girl ? En effet, ces dernières années, nombreuses sont les productions Walt Disney mettant en scène des personnages aux origines ethniques différentes : de Tiana dans La Princesse et la Grenouille (2009) à Miguel dans Coco (2017), en passant par Vaïana dans l’animation éponyme (2016), ou encore dans le nouveau film d’animation Encanto sorti en 2021. Récemment, une adaptation Disney a également fait parler d’elle : Blanche-Neige et les sept nains. En 2021, le choix de l’actrice pour jouer Cendrillon avait également fait polémique.

A travers le monde, plusieurs initiatives sont mises en place pour aider à l’inclusivité dans le cinéma. C’est ce que rapporte une étude du Collectif 5050, portant sur l’inclusion dans le cinéma. En Nouvelle-Zélande la New Zealand Film Commission a mis en place une stratégie pour soutenir financièrement les réalisateurs et réalisatrices Maori ainsi que la mise en place d’un poste dédié à l’inclusion des communautés asiatiques par exemple. Au Brésil, l’institut Nicho 54 permet entre autre de former des professionnels.les noirs.es notamment dans les postes de décision et création et la mise en avant d’un cinéma brésilien noir. Au Canada l’organisation Producer’s Pledge a permis de récolter 280 000$ en faveur des créateurs.rices de communautés sous-représentées, racisés.es et autochtones. Au Royaume-Uni, la BBC Targets a annoncé mettre en place des quotas pour la représentation des minorités à l’écran et parmi les cadres dirigeant la BBC. La diversité est encouragée par de nombreux collectifs, qui mettent en place des aides pour que les minorités soient davantage représentées.

Tamara Rousseau, auteure du mémoire La force du cœur Les changements de l’archétype du héros durant la Renaissance de Disney (1989-1999), en 2019, explique dans ce dernier que La Renaissance de Disney a eu lieu à partir de 1989 avec « l’arrivée de personnages féminins forts comme Mulan (Mulan, 1998) et Pocahontas (Pocahontas, 1995). » Cela permet « une plus grande diversité culturelle des héros et héroïnes avec des récits qui proviennent de partout autour du globe au lieu des récits plutôt européens de la période classique de Disney ». Les studios Disney semblent donc aborder une nouvelle ère où l’inclusivité est de plus en plus présente. C’est ainsi que le 21ème siècle marque la repentance de Disney.