Ariel 2.0: La Petite Sirène fait polémique

Le choix d’Halle Bailey comme actrice pour interpréter La Petite Sirène a provoqué de grands débats sur la toile, avec le lancer du #NOTMYARIEL après que les studios Walt Disney aient annoncé le choix d’Halle Bailey pour le rôle d’Ariel début juillet 2019. La raison ? La couleur de peau et de cheveux de l’actrice, qui selon les internautes, ne représenterait pas correctement La Petite Sirène originale, blanche aux cheveux roux.

Après Le Livre de La Jungle en 2016, Aladdin et Le Roi Lion en 2019 et Mulan en 2020, c’est au tour de La Petite Sirène d’être adapté en film par le studio de production Walt Disney Pictures. La Petite Sirène est un film d’animation des studios Disney sorti en 1989. Mais cette adaptation de Rob Marshall qui sortira en 2023, suscite la polémique auprès du public.

Le blackwashing n’existe pas. Les sirènes n’existent pas.

Les nombreux tweet déplorent alors un blackwashing, terme désignant le fait de donner à un.e acteur.trice noir.e le rôle d’un personnage blanc. Or, est-il possible de parler de blackwashing lorsqu’il s’agit de mettre en avant des minorités invisibilisées dans les médias ?

Il est important de différencier le blackwashing, du whitewashing, du racebending et du color blind casting. Le whitewashing est l’antonyme du blackwashing : c’est le fait de faire jouer à un.e acteur.trice blanc.he le rôle d’un personnage non-blanc. Dans une adaptation, les personnages dont l’origine ethnique n’est pas clairement mentionnée dans l’œuvre originale ont tendance à être souvent joué par des acteurs blancs. De manière plus générale, le racebending est le fait de changer l’origine ethnique d’un personnage. Enfin, le color blind casting (ou color blindness) traduit par casting daltonien est le fait de distribuer les rôles des acteurs.trices indifféremment de leur couleur de peau et de leurs origines.


En 2015, Thomas Messias, journaliste pour Slate dit : « Il faut donner plus d’espace aux acteurs et aux actrices de couleur, c’est un fait. Leur permettre à leur tour d’incarner des personnages voulus comme blancs par leurs auteurs, ou considérés comme tels dans l’imaginaire collectif. […] Tenter modestement d’inverser la tendance n’est pas du blackwashing. » En outre, il y a beaucoup plus de personnages noirs joués par des acteurs.trices blancs.hes qu’inversement. Le fait de faire jouer à un.e acteur.trice blanc.he un personnage noir s’appelle du whitewashing.



Le blackwashing n’existe pas. La diversité dans les médias (spécifiquement les médias pour les enfants) est plus importante que d’être sûre que l’acteur ressemble au dessin que vous aimiez durant votre enfance. Les sirènes n’existent pas.

SciFi Now sur Twitter, le 4 juillet 2019

Si une partie de la population a aussi mal accepté le fait que la Petite Sirène soit noire dans le remake de 2023, c’est donc principalement parce qu’il est plus habituel de voir des acteurs.trices blancs.ches jouer des personnages noirs que l’inverse.

La chaîne de télé américaine FreeformTV  détenue en partie par Disney Media Network depuis 2011, a également publié un tweet destiné « aux âmes  pauvres et malheureuses » (en référence à la chanson que chante Ursula dans le Disney), en défendant Halle Bailey:

L’auteur original de « La Petite Sirène » est danois. Ariel… est une sirène. […] Mais pour les besoins de la discussion, disons qu’Ariel est aussi danoise. Les sirènes danoises peuvent être noires parce que les *personnes* danoises peuvent être noires. […] Les danois noirs, et donc les mer-folk, peuvent aussi *génétiquement* (!!!) avoir les cheveux roux.

Freeform TV sur Twitter, 7 juillet 2019

La chaîne précise également que dans tous les cas, Ariel est un personnage de fiction.

En réaction a cette polémique, la chanteuse a alors posté sur son twitter une image d’une sirène à la peau noire et aux cheveux bruns, avec en légende « un rêve devenu réalité ». En août 2019, elle dit lors d’une interview du magazine américain Variety : « j’ai l’impression de rêver et je suis très reconnaissante, je ne prête pas attention à la négativité, ce rôle est quelque chose de plus grand que moi et de meilleur, ça va être magnifique, je suis vraiment pressée de faire partie de ce projet. »

Une inclusivité et une diversité par intérêt ?

La diversité de plus en plus présente dans l’univers Disney serait-il un moyen marketing ? Dans une société où il est de plus en plus courant de parler des discriminations qui touchent les minorités quelles qu’elles soient (homophobie, transphobie, racisme, sexisme…), les Studios Walt Disney se serviraient-ils de ce phénomène pour redorer leur image, et ainsi, attirer plus de spectateurs.trices, a l’instar du reboot de Gossip Girl ? En effet, ces dernières années, nombreuses sont les productions Walt Disney mettant en scène des personnages aux origines ethniques différentes : de Tiana dans La Princesse et la Grenouille (2009) à Miguel dans Coco (2017), en passant par Vaïana dans l’animation éponyme (2016), ou encore dans le nouveau film d’animation Encanto sorti en 2021. Récemment, une adaptation Disney a également fait parler d’elle : Blanche-Neige et les sept nains. En 2021, le choix de l’actrice pour jouer Cendrillon avait également fait polémique.

A travers le monde, plusieurs initiatives sont mises en place pour aider à l’inclusivité dans le cinéma. C’est ce que rapporte une étude du Collectif 5050, portant sur l’inclusion dans le cinéma. En Nouvelle-Zélande la New Zealand Film Commission a mis en place une stratégie pour soutenir financièrement les réalisateurs et réalisatrices Maori ainsi que la mise en place d’un poste dédié à l’inclusion des communautés asiatiques par exemple. Au Brésil, l’institut Nicho 54 permet entre autre de former des professionnels.les noirs.es notamment dans les postes de décision et création et la mise en avant d’un cinéma brésilien noir. Au Canada l’organisation Producer’s Pledge a permis de récolter 280 000$ en faveur des créateurs.rices de communautés sous-représentées, racisés.es et autochtones. Au Royaume-Uni, la BBC Targets a annoncé mettre en place des quotas pour la représentation des minorités à l’écran et parmi les cadres dirigeant la BBC. La diversité est encouragée par de nombreux collectifs, qui mettent en place des aides pour que les minorités soient davantage représentées.

Tamara Rousseau, auteure du mémoire La force du cœur Les changements de l’archétype du héros durant la Renaissance de Disney (1989-1999), en 2019, explique dans ce dernier que La Renaissance de Disney a eu lieu à partir de 1989 avec « l’arrivée de personnages féminins forts comme Mulan (Mulan, 1998) et Pocahontas (Pocahontas, 1995). » Cela permet « une plus grande diversité culturelle des héros et héroïnes avec des récits qui proviennent de partout autour du globe au lieu des récits plutôt européens de la période classique de Disney ». Les studios Disney semblent donc aborder une nouvelle ère où l’inclusivité est de plus en plus présente. C’est ainsi que le 21ème siècle marque la repentance de Disney.

[ssba]