C’est la question à laquelle a tenté de répondre le Festival Migrant’scène en conviant l’historien engagé Gérard Noiriel et l’artiste Martine Derrier le 24 novembre. L’idée : déconstruire les préjugés autour des migrants par le biais d’une conférence à la forme ludique et innovante. Avec « Nos ancêtres les Migrants », le collectif Daja signe sa seconde « conférence gesticulée ». Immersion à Ciné32 (Auch).
Silence, ça commence !
Gérard Noiriel et Martine Derrier débarquent sur scène, valises à la main.
La salle est comble et l’impatience des spectateurs palpable. Ils sont venus en nombre pour voir l’historien, connu pour sa verve et son engagement militant. Le nom de l’événement intrigue. Ce format atypique, tend à se développer davantage avec la création d’un réseau francophone des conférencier.e.s gesticulant.e.s, d’universités populaires gesticulantes et d’un annuaire en ligne.
C'EST QUOI UNE CONFÉRENCE GESTICULÉE ?
C’est la rencontre entre des savoirs chauds (savoirs de vie et populaires utiles à l’action collective) et des savoirs froids (savoirs théoriques et politiques). C'est une prise de parole publique sous la forme d’un spectacle politique militant.
Nous sommes tous des migrants
L’historien joue le jeu de nous livrer des récits de son histoire personnelle, en tant que « migrant de l’intérieur ». Jeune enfant, il a déménagé à plusieurs reprises dans différentes régions de la France. Il nous raconte comment, sa couleur de peau légèrement plus bronzée que celle de ses camarades de classe lui a valu le surnom de « Noireau »… Rires étouffés dans la salle.
Il se sert de cet exemple pour aborder la question des mécanismes d’intégration et de rejet rencontrés par les migrants arrivant en France.
A travers cette conférence gesticulée, il dresse un panorama global de l’histoire de l’immigration française, une version non livresque de son ouvrage récent Une Histoire Populaire de la France.
⇒ Pour en savoir plus sur cet ouvrage, visionnez l’interview de Gérard Noiriel dans l’émission La grande H. pour Le Média.
L’exemple anecdotique du surnom de Gérard Noiriel met en évidence les processus d’assignation d’un individu à une catégorie, fait socialement construit, qui passe ici par un marqueur physique. Il souhaite montrer qu’on s’est tous et toutes retrouvés au cours de notre vie dans la position de « migrant », « d’étranger ».
L’Afrique est le berceau de l’Humanité
Gérard Noiriel nous raconte que l’Afrique est le berceau de l’Humanité. Cette thèse est défendue par des historiens et paléoanthropologues comme Cheikh Anta Diop « le restaurateur de la conscience noire » ou Yves Coppens « le père de Lucy ». Ils démontrent que « tous nos ancêtres sont des migrants noirs et que la race n’existe pas ».
Ces propos, considérés comme « tabous » par plus d’un, sont absents des chaînes à grande audience, à quelques exceptions près. En voici l’une d’entre elles.
En 2016, le paleoanthropologue Yves Coppens est l’invité de l’émission « Les Tabous du… Racisme » sur France 2. Lors de son interview, il déclare avec un certain humour :
« Le blanc est une décoloration ! Je suis un décoloré »
Mais encore,
« On peut tous être raciste cela n’a pas d’importance puisqu’on est tous de la même race. Scientifiquement, en ce qui concerne l’Humanité il n’y a pour le moment sur la Terre une seule race humaine : la race Sapiens de l’espèce Sapiens du genre Homo ».
⇒ Pour en savoir plus, visionnez dès maintenant le court extrait de l’émission « Les Tabous du…Racisme ».
Le rôle des médias
A l’issue de la conférence, les réactions sont vives. La salle s’échauffe et les mains se lèvent en nombre. Le rôle des médias est particulièrement attaqué.
D’un calme olympien, Gérard Noiriel évoque la nécessité de prendre du recul vis-à-vis de certains médias, qui véhiculent des informations qui entretiennent les préjugés et cultivent la peur de l’autre.
Un combat qui ne fait que commencer
Pour l’historien militant, ces conférences gesticulées ont pour ambition de favoriser les échanges, de participer à la déconstruction des préjugés autour des migrants et de favoriser le « vivre ensemble ».
Conférence au format ambitieux elle est la première d’une longue lignée destinée à un public scolaire, là où selon eux tout se joue et par où il est nécessaire de commencer…